Domaine de la Boësnière
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Carnet de voyage...

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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:12

[Briançon… Embrun… Dié…]

Le vent sifflait dans le sillage de la Comtesse, tourmentant sans pitié sa chevelure en de confuses arabesques cuivrées. Habitée d'une irrépressible terreur ou d'un reste de sage prudence, la jeune femme aurait volontiers sommé sa monture de ralentir, mais elle n'en trouva pas la force. Elle ne réussit pas non plus à déloger une de ses pensées à ce dessein, focalisées qu'elles étaient sur la vue saisissante de la forêt défilant sous ses yeux. Son esprit tourmenté s'apaisa simplement de savoir que son cheval n'aurait sûrement pas freiné sa course par un simple geste d’elle, tant l’équidé prenait plaisir à fendre le paysage, à revendiquer comme sien cet héritage de la nature, à marquer le sol de ses sabots. Malgré l'ivresse de la bête, que l’écuyère ressentait par leur lien tel une présence de tous les instants, non pas rassurante telle un mère attentive, mais assez démente et audacieuse pour la convaincre de la somptuosité de cette chevauchée irremplaçable, Ewa ne pouvait s'empêcher de fixer la Sylve, qui se faisait de plus en plus lointaine à tel point que les arbres en paraissaient minuscules. Un vertige s'empara alors de la cavalière, animée par le désir de contempler plus encore l'étendue de la distance qui l'éloignait du monde des montagnards. Invariablement, elle finissait par s'être trop penchée, et prise d'un sursaut de terreur, resserrait son assise.

La rousse se sentait toujours aussi libre et légère profitant au maximum de ces sensations. Les paysages du Lyonnais-Dauphiné défilaient sous ses yeux dans un harmonieux mélange de couleurs. Elle s'enivrait de tout cela et profitait le plus pleinement possible de ce voyage. En arrivant non loin de la montagne, elle amorça la descente, quittant le dos de sa monture pour l’alléger, posant ses pieds sur le sol sec et rocailleux. Comme pour se rassurer elle-même, Ewa posa sa main sur la garde de son arme et se mit en route impatiente d'arriver dans la plaine pour trouver le lieu de leur campement avant de rallier Lyon.

Le vent s'était levé depuis un moment, le temps était devenu humide, un orage dû à la chaleur couvait. Ce n'était pas un temps favorable pour une escapade de ce genre. Cela faisait maintenant plus d'une demi-heure qu'ils avançaient en suivant le contour de la montagne, cherchant au passage baies, plantes ou champignons. Elle se retourna un instant pour regarder le chemin, cette pente abrupte qu’ils venaient de parcourir dans le sens inverse, ce sentier merveilleux qui conduisait vers les montagnes, vers…

La fraîcheur du moment se faisait sentir sur les parties nues de la peau de la jeune femme et des perles de rosée humidifiaient ses bottes. Peu habituée à ce climat, elle se félicita d'avoir pris une cape suffisamment épaisse pour le voyage. Il leur fallut quatre bonnes heures de marche soutenue pour atteindre la lande. Là, ils marquèrent une courte pause pour se rafraichir dans un petit lavoir qui se trouvait sur le bord du chemin au milieu de ruines, se désaltérer et prendre pitance légère. Le terrain accidenté les avait obligés à avoir une progression plus lente. Le temps avait semblé s'allonger. Au bout d'une heure, alors que la matinée touchait à sa fin, la rouquine commençait à se demander si elle ne s'était pas perdue quand ses yeux lui envoyèrent l'image qu'elle attendait tant, un lieu sans vie mais pourtant si attirant. Elle dût reconnaître que les sensations qui la traversaient étaient assez étranges. Mais elle n'allait pas reculer pour si peu. Sa main rencontra le premier mur de pierres et le trouble que provoqua ce contact la fit frissonner. Elle avança lentement au milieu des murs délabrés et couverts de mousse et de lierre, découvrant les lieux de façon tactile.

Plus elle avançait et plus sa main tremblait. Un sourire se dessina sur les lèvres de la Comtesse. Il y avait effectivement quelque chose dans ces ruines. Elle pouvait le sentir par tous ses sens actifs. Elle le sentait par les pores de sa peau en contact avec la pierre, dans les sons qui lui parvenaient, dans l'odeur âcre des lieux et dans le goût étrange qu'avait pris sa salive. Son sourire s'élargit. Etait-ce magique? Les présences qu'elle ressentait autour d’elle n'avaient rien de vivant. Devait-elle finalement admettre l'existence des spectres? Une chose était certaine, ce qui régnait en ces lieux n'était pas à sa portée. Sa raison l'emporta sur l'excitation de la découverte et elle se laissa guider par la voix de Breccan pour s'éloigner du centre des ruines.

Pourtant, la rousse ne pouvait se résigner à partir de suite. Elle resta donc à errer à proximité de la défunte cité, une pointe de regret de se savoir obligée de quitter tout cela, tandis que les rayons du soleil de midi faisaient une timide percée à travers la brume de la Lande.

Un bruit indistinct attira son attention, ainsi que celle de son compagnon d’armes, vers une autre direction. Ewa en prit le chemin, la main posée sur la garde de son épée : ce bruit là était "vivant". Oh oui et bien vivant ce n’était autre que le gouverneur avec sa boite de vers luisants dans la main qui avançait à leur rencontre.
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:13

[Monastère ou entrainement]

Une promesse était une promesse, il n’avait qu’à pas dire « oui » s’il ne le désirait pas. Et s’il mettait trop de temps à arriver, elle irait le chercher par le fond des braies pour respecter ce qu’il lui avait promis. Elle avait prit la poudre d’escampette rien que pour le plaisir, du monastère où elle s’était retirée. Ewa avait réservé auprès d’un maitre d’armes de la ville une salle afin que l’entrainement puisse avoir lieu.

Elle était là au milieu de la salle d’armes en pleine nuit. Bah oui, il avait peur de se prendre une déculottée le petit, donc pas de témoin, rien qu’eux deux dans la salle de son choix, elle devait juste lui faire parvenir une missive quand elle se sentirait prête à manger la poussière comme il lui avait dit. Pire que des gosses, à celui qui gagnerait. La fierté des deux Limousin réunis allait subir de toute façon une sacrée dérouillé, car dans un duel il fallait toujours un perdant et un gagnant.

Bras croisés sur la poitrine, pied qui tapait la cadence avec le bâton qu’elle tenait à dextre, la rouquine commençait sincèrement à s’impatienter, se disait qu’il avait dû coincer sa botte sous une herse pour éviter l’invitation au combat amical qu’elle attendait maintenant avec impatience. Tous les mêmes se raisonna-t-elle en se retournant pour aller poser à sa place son instrument de torture qu’elle avait choisi avec soin. Faute de se battre elle allait finir par aller dormir à ce rythme là. Et dire qu’il avait osé espérer lui mettre une déconfiture, la faire plier sous le poids de son arme, mais bien sûr, il avait dû rêver. Elle ne se laisserait pas ainsi avoir par son compagnon d’armes!

Alors qu’elle s’installait dans un coin, elle se mit quand même à douter. Ben oui quoi cela arrive. Pourquoi ne pourrait-il pas gagner? Une chance sur deux après tout, elle avait ses connaissances lui les siennes, et pouvait très bien essuyer une défaite. Elle grimaça à cette perspective. Si le Gallois remportait, elle aurait l’air maline après… Soupir! Quelques candélabres éclairaient la salle, elle scrutait la porte espérant la voir s’ouvrir et rentrer son ami de toujours. Boudiou qu’il était long à se préparer, pire qu’une damoiselle se parant pour un bal, ce n’était pas possible!
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Message  Breccan Jeu 3 Sep - 16:23

[Lutte fratricide]

Encore une calme journée qui s'achevait, lentement le soleil cédait sa place à la lune et plongeait la capitale du Lyonnais-Dauphiné dans un clair obscur.
Les activités légales de la journée laissaient leur place aux bassesses plus ou moins illicites des noctambules mal intentionnés.
Depuis quelques soirs,le Gallois passait son temps dans la chambre de l'auberge dans laquelle il séjournait,trainant jamais bien longtemps à l'étage inférieur où l'alcool coulait à flot.
Son amie était partie se recueillir quelques jours et même si la compagnie des Lyonnais est loin d'être désagréable, un peu de calme ne peut pas faire de mal.

Cela aurait pu être le cas encore ce soir si Breccan n'avait pas reçu un peu plus tôt dans la journée,une missive de sa sœurette..la rouquine Ewaele.
Le style était assez simple mais néanmoins efficace.
Toi, moi..ce soir, salle d'arme.
On pourrait croire à une invitation à se rouler dans la paille après ces quelques jours en retraite, à ceci près que la lettre se termine par un " n'oublies pas tes muscles et tes..* hmm bref passons.
Ce genre de taquinerie était très caractéristique de l'amitié et de la complicité qui les liaient depuis moult années.
L'heure fatidique redoutable et redoutée,suffit juste de déterminer par qui, approchait maintenant à grand pas et elle chaussait des bottines d'ailleurs.

Breccan, bâton dans le dos ,se dirigeait vers la salle d'arme en sifflotant un air des plus festif.
Air qui prit une orientation des plus funèbre lorsque le Gallois vit l'Irlandaise au loin.
Fallait qu'il garde coute que coute son sérieux, les yeux plissés pour faire plus peur et démarche menaçante...enfin elle aurait pu l'être si le sourire sur la trombine du Seigneur de Saint Martial d'Entraygue ne grandissait pas à chaque pas qui le rapprochait de la rouquine.
L'heure venait de sonner...avant le lever du jour, il n'en restera qu'un.
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:23

Thème musical

Mortecouille! L’huis s’ouvrait et laissait passage à l’homme d’armes apparemment en grande forme. Elle aurait pu éclater de rire de le voir faire, Môsieur roulait des mécaniques à moins que cela ne soit sa façon d’intimider ses adversaires, oh et le regard, elle préféra ne plus le fixer de peur de ne pouvoir tenir longtemps son sérieux. Elle se précipita là où elle avait déposé son bâton puis enfin alla placer son dos, légèrement appuyée, contre le chambranle de la porte en se frottant les mains, style : mon petit père maintenant tu ne sortiras plus de ce lieu! Ewa resta un moment là immobile, observatrice.

Elle avança, enfin, à pas chaloupés au milieu de la salle, jouant avec son bâton, et tournant autour du jeune homme qui, dans quelques heures alors que le jour poindrait, aurait les lauriers ou la poussière… Elle examinait chaque détail de son adversaire, sens en éveil : ouïe fine à l’affut de tout mouvement. Toucher presque imperceptible sur son bâton prêt à voler dans les airs au moindre mouvement. Odorat qui vibrait aux effluves de transpiration provoquée pas l’excitation de ce moment. Goût métallique du sang à venir. Regard émeraude, yeux plissés, profond et déjà concentré sur le combat de coq qui allait avoir lieu entre ces murs.

Soudain, un sifflement insistant, menaçant, se fit entendre. Il enflait comme le grondement d'une vague fonçant sur le récif, remontant des profondeurs de cette ancienne bâtisse. Les bâtons jaillirent, les combattants se mirent en position. Sa buse, son oiseau venait de donner comme si elle l’avait senti, le signal pour ouvrir les hostilités. Ewa ne tournoyait plus autour du Gallois mais au contraire lui faisait face les deux pieds en parallèles.

Cinq touches voilà ce qu’il avait été convenu au préalable, cinq fois ou rien… Un sourire ironique se dessina sur son visage à cette pensée. Trop sure d’elle, elle perdrait à coup sûr, juste un coup de plus que lui suffirait. Pourquoi aller chercher plus loin, pourquoi vouloir toujours plus ou mieux, peut être parce que c’était comme ça que son père lui avait appris. Mais si elle perdait, elle le savait d’avance, cela serait pour elle peut-être pas une tragédie, mais une remise en question sur son savoir, sa technique, quelle idiote d’avoir choisi le bâton qu’elle ne maitrisait pas réellement. Peut-être simplement par défi, oui par simple défi à elle-même.

Sans réfléchir, pour le titiller, afin de rendre l’air de la pièce plus respirable et dédramatiser l’instant, elle vint poser son bâton sur son épaule et le fit glisser le long de son bras, s’arrêtant au niveau du coude pour qu’il ne puisse pas dans un geste vif et rapide la désarmer plus vite qu’elle ne le souhaitait… Imprudente ou intrépide elle était? Qui pouvait savoir ce qui dans sa tête tournicotait à cette instant, elle cherchait et allait trouver! Très rapidement elle récupéra son arme dans ses deux mains et engagea le combat. Son vis-à-vis n’ayant pas cillé une seule fois à son intimidation, elle évita un mouvement d’effet trop brusque qui sans aucun doute l’aurait fait se reculer, bâton à la transversale devant elle. Elle lui donna un peu d’élan vers la partie basse, par une légère inflexion du poignet afin de le guider vers son genou et le déstabiliser sans trop l’abîmer pour une première touche.
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Message  Breccan Jeu 3 Sep - 16:24

Le Gallois et l'Irlandaise se trouvaient maintenant dans l'arène,se tournant autour ,yeux dans les yeux et réflexes affutés,intimidation?
ou simple volonté de déceler une quelconque faiblesse chez l'opposant?
De toute façon tout ceci était vain mais fallait bien avouer que cela ne manquait pas de gueule,les deux frères et sœurs n'allaient certainement pas se faciliter la tache,le combat sera féroce...ou presque.
Breccan n'avait pas encore ouvert la bouche depuis son entrée,il était inutile d'en rajouter après tout...on pouvait en lire suffisamment dans leur regard.

L'atmosphère était lourde, la tension palpable mais derrière cette apparence hautement belliqueuse se cachaient rires et complicité prêt à exploser.
L'homme d'arme savait pertinemment que ce petit jeu ne durerait pas bien longtemps.
Comment pouvait il en être autrement avec une adversaire comme la rouquine?
Cependant son petit doigt lui disait que la sœurette lui donnerait du fil à retordre et que dans le feu de l'action, certains coups risquaient de faire bien plus mal que prévu.
L'image des deux complices couvert de coups à l'infirmerie de l'ordre fit naitre un léger sourire sur les lèvres de Breccan.
Se foutre sur la gueule...en toute amitié, pour ensuite en rire et demander une revanche évidemment.

Soudain le calme de la période d'observation prit fin pour déchainer la fureur de la tempête en approche.
D'un coup d'un seul,Breccan et Ewa dégainèrent leur bâton, bien décidés à faire pleuvoir les coups.
Mais tout d'abord dernière petite provocation de la rouquine faisant glisser son bâton depuis l'épaule du Gallois jusqu'au coude.
Breccan suivit du regard le trajet en esquissant un sourire puis releva doucement la tête pour regagner les émeraudes de la rouquine.
Ils venaient à peine de se remettre en position quand la sœurette lui porta le premier coup directement sur le genou.
Sans grande force heureusement car le but n'était pas de le rendre infirme mais suffisamment pour sentir une douleur certaine dans la guibole.


Diablesse...

Breccan ne s'attendait pas à une entrée en matière de la sorte et fut quelque peu destabilisé mais il ne se fera pas avoir une seconde fois.
Son réflexe fut pourtant efficace bien que mal orienté ce qui offrit un chemin tout tracé vers son genou.
Ça commençait bien...
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:25

Son premier mouvement tenait plus du jeu d’intimidation que d’une attaque réelle, elle ne s’était pas attendue à le réussir aussi facilement que cela. Comme si sa buse avait pu deviner ce qu’il se passait dans cette salle plongée dans une semi obscurité, un nouveau sifflement perçant s’envola dans les airs, venant se fracasser sur les pierres, rendant son écho encore plus vivace dans les tripes de la rouquine qui laissa un sourire s’esquisser sur ses lèvres.

Ewa aurait pu pratiquement sautiller de joie d’avoir réussit sa première touche, mais elle se retint de justesse. Que diable, ce n’était certainement pas le moment de se laisser aller à la chance du débutant. Le duel ne faisait que commencer, et nul ne pouvait prédire la suite des événements. Retenue et calme seraient donc de mise. Elle venait de faire un mouvement facile et, comme son père lui avait apprit lors des entrainements, il fallait enchainer difficultés et facilités. La rouquine savait aussi que, plus ses enchainements seraient répétés, plus ils seraient profitables. Il fallait absolument garder de la souplesse et de l’adaptation dans la mise en œuvre.

Surtout ne pas trop scruter le visage du gallois qui s’en servirait pour la déstabiliser par un sourire ravageur qu’il savait si bien faire quand il voulait quelque chose. Toucher à nouveau avant d’être touché à son tour, se placer à nouveau à distance. Son rythme cardiaque s’accélérait, la température de son corps augmentait, et sa vigilance était au plus haut point sur tous les mouvements que Breccan pouvait faire à cet instant, mais elle avait le dessus et, si elle était assez rapide, peut-être que l’attaque qui allait suivre ne pourrait être à nouveau parée. Sa motivation était croissante, ce n’était plus l’heure de penser mais d’agir, vite et bien.

Les deux cannistes étaient dans la même garde, à nouveau face à face. Manipulation du bâton : ‘regarder les majorettes passer’, Ewa prit son bâton dans une main, son poignet se mit à osciller en dessinant des huit dans le plan vertical, elle transféra son poids sur le côté du bout descendant et, au moment où il s’y attendait le moins, arrêta de faire tournoyer l’objet en bois pour venir frapper son épaule gauche dans une rapidité déconcertante. Un souffle long et posé accompagna le mouvement. Son partenaire de combat saurait-il arrêter son geste? Parer et enchainer une attaque à son tour? Saurait-il la mettre en difficulté et lui faire perdre ses moyens?

Elle entendait encore en elle le seul mot qu’ils avaient échangé depuis qu’il avait fait irruption dans la salle… Diablesse! Etait-ce réellement le cas? Elle n’avait pas voulu lui répondre, parler dans ces moments là c’était risquer de perdre sa concentration et mettre sa respiration à rude épreuve alors qu’elle était plus que nécessaire pour mener à bien le duel. Un regard, un simple regard vert émeraude l’avait transpercé à l’évocation de ce mot. Malicieux? Mordant? Un brin de défi sans doute dans les prunelles comtales qui ne se laisseraient pas abuser, pas comme ça, pas maintenant… Mais qui savait peut-être avait-il quand même réussit?
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Message  Breccan Jeu 3 Sep - 16:26

Regard bref vers son genou endolori puis retour quasi immédiat vers les yeux de la rouquine dans lesquels on pouvait percevoir la surprise mêlée à une joie presque bondissante suite au succès du coup porté.
Breccan ne se laissa pas abattre par ce premier échec,il venait de perdre un affrontement,certes, mais la bataille était loin d'être terminée.
Ewa faisait tournoyer son bâton dans les airs...tentative d'endormir ou d'hypnotiser le Gallois?
Qui sait...souhaitons juste pour le beau brun que tout ceci tienne plus du spectacle qu'autre chose.
L'homme d'arme n'avait aucunement l'intention de se faire avoir une seconde fois et se tint sans sourciller devant sa sœurette, son amie de toujours.
Amie qui se dirigeait tout de même vers le sentier de la distribution de gnon en bonne et due forme,mais après tout...n'étaient ils pas là pour ça?

La lutte acharnée entre ces deux frères et sœurs faisaient encore rage et la poussière soulevée par chacun de leur pas n'était pas prête de retomber et retrouver la quiétude du sol,du moins....pas avant que sonne la défaite de l'une des deux Licornes.
Défaite cuisante qui s'évanouira dans un éclat de rire voir même deux,mais en ce qui concerne le petit souvenir physique de cet échange, il faudra compter un peu plus longtemps.

Breccan les yeux toujours rivés sur la rouquine, observait ses mouvements, le bâton dessinant des huit dans les airs, la posture qu'elle prenait lentement mais surement...prête à attaquer,a l'esquinter une nouvelle fois.
"Analyse la Brec","anticipe bordel de flute","tu es loin d'être un novice en la matière...pourquoi n'arrives tu pas à contrer le moindre de ses coups,pourquoi ne prends tu pas l'avantage?"
Ces quelques phrases,il se les répétait sans cesse.
Doute et incompréhension qui bien que furtif étaient certainement à l'origine de sa pitoyable performance...
Lui qui est d'ordinaire efficace contre les ennemis du roy et plus récemment contre les raclures ayant tué le chevalier de la Licorne Stannis, incendié le castel de Limoges et osé ravir la rouquine ainsi que l'ainée Malemort.
Protéger ses proches,son comté...son royaume,voila ce qu'il s'était toujours juré de faire ce qui expliquerait pourquoi aujourd'hui il peine à affronter sa sœurette.

"Ne te cherche pas d'excuse, le contexte est en tout point différent."
Effectivement il l'était...connaitre la façon de se battre de ses partenaires peut être des plus bénéfique une fois sur le champs de bataille.
Savoir précisément à quel moment ils sont en difficultés pour leur apporter une aide efficace et les tirer d'affaire.
Avec tout ça, Breccan perdait un peu de sa concentration et c'est bien évidemment à cet instant que la rouquine cessa de faire tournoyer son bâton pour décocher son coup tel un trait d'arbalète filant directement dans l'épaule du Gallois.
Une grimace de douleur vint déchirer le visage jusqu'alors souriant de Brec.
Il reposa son bâton sur le sol et de sa main libre vint la placer sur son épaule.
Souvenir encore trop présent d'une ruelle sanglante à Angers, lors du siège et de la chute de ville.
Jour qui aurait tout aussi bien pu voir la chute du jeunot de Caerdydd s'il n'avait pas été secouru à temps.
Léger voile sombre recouvrant le regard de l'homme d'arme à l'évocation de ce souvenir avant de disparaitre aussi vite qu'il était venu.

Cela faisait deux coups portés à rien.
Il empoigna fermement son bâton à deux main bien décidé à.....oh et puis on verra bien.
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:27

Le bâton pouvait être, pour des duellistes, un jeu d’opposition à la fois esthétique, très spectaculaire mais aussi très physique. Parfaitement adapté à une pratique de détente, mais aussi lors de combat, les personnes le maitrisant parfaitement devenaient de rudes adversaires. Ewa était surprise de sa réussite, reconnaissant qu’elle n’excellait pas dans le maniement de cette arme, mais peut-être que ses connaissances en tant que bretteuse lui servaient plus qu’elle ne le pensait.

Ne pas perdre sa concentration en arrivant à ses fins pour la seconde fois, elle devait admettre que la réactivité décalée de son vis-à-vis la déconcertait moyennement et qu'elle ne pensait pas que Breccan se ferait avoir aussi facilement. Elle lui aurait bien dit de se ressaisir, mais vu le regard du Gallois, toute intervention était inutile. Apparemment il réfléchissait trop et cela lui jouait des tours. Ewa n’allait pas s’en plaindre car, du coup, elle avait l’avantage des touches, mais le combat était moins savoureux à son goût.

Le but, quand on faisait un assaut, était de toucher son partenaire. Pour marquer un point, il ne suffisait pas d’enchaîner les coups, mais bien de s’adapter à son adversaire pour pouvoir utiliser la moindre opportunité. C’était certainement en essayant d’anticiper un mouvement que l’on arrivait à placer un coup gagnant. Elle ne s’attarda donc pas dans la contemplation de la non réussite à parer du jeune homme et s’activa plus à garder la main en menant une nouvelle attaque… Le genou… L’épaule… Et maintenant?

Profiter qu’il ait été déstabilisé un temps pour en remettre une couche, mais l’homme d’arme s’était vite reprit. Ewa allait tenter une fente: c’était un mouvement dans le combat qui s’effectuait par le déplacement d’une jambe qui se fléchissait dans la fin du geste. La rousse était donc placée face à Breccan, qui lui tenait son bâton à la diagonale, poing haut à senestre, alors qu’elle le maintenait à deux mains parallèle à hauteur de sa poitrine. Les regards n’avaient pas le temps de se croiser ou bien elle préférait ne pas y prêter attention. Une fois la fente rapidement effectuée, elle laissa glisser sa main sur l’extrémité droite de son bâton afin de venir toucher la hanche gauche du Licorneux.
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Message  Breccan Jeu 3 Sep - 16:27

Le combat semblait nettement plus facile pour la rouquine que pour Breccan mais en même temps rien d'étonnant lorsqu'on affronte une femme dont le père était maitre d'arme, qui a passé son enfance à perfectionner sa maitrise de l'épée ainsi que d'autres armes surement...peut être même des écureuils.Qui sait?!?Mais cela ne constituait pas une excuse en soi...d'ailleurs il ne s'en cherchait pas.
Si les coups de sa sœurette avaient bien atteint leur cible c'est parce qu'il lui en avait donné l'occasion.
Il y avait une faille dans sa défense et il fallait à tout prix régler ce problème.

Hey c'est qu'il faut lui donner un minimum de fil à retordre à Ewa sinon elle risque de lui bailler au visage.
Faut bien avouer que le Gallois l'aurait assez mauvaise s'il perdait le combat aussi facilement...sans lui donner ne serait ce qu'un peu de mal.
Qu'elle se sente en danger au moins...
un petit danger?
Non plus...d'accord un sentiment passager d'insécurité furtive.
C'est mieux?
Pfff, si ce n'est pas triste de voir toutes ses années d'entrainement, d'acharnement à réduire à l'état de paille les cibles de la salle d'arme pour finalement ne même pas parvenir à parer une seule maudite attaque de la diablesse rousse?

Il fallait que ça change, le résultat lui importait peu, seule la perspective d'un beau duel avec l'irlandaise comptait réellement.
Se battre jusqu'à ce que leur force les abandonne,essoufflés,couvert de coup et de poussière mais arborant un léger sourire au coin des lèvres.
Voila ce qu'il voulait pardon..ce qu'ils voulaient et ça ne faisait pas l'ombre d'un doute.
la phase d'observation n'avait que trop durée...un pète d'agressivité du côté de Breccan ne lui ferait pas de mal.
Pour le spectacle il effectua des mouvements avec son bâton, brassant l'air...ça ne servait strictement à rien et il en était foutrement conscient mais que ferions nous pas pour un public déchainé...absent.

Il devait être beau à voir l'homme d'arme se faisant mener deux touches à néant.Dit de cette manière ça fait encore plus dramatique...
Qui a dit ridicule?
Si je te chope toi, tu vas.....la suite du combat?
Z'êtes sur?
Si vous y tenez.

Récapitule en marmonnant...hmm...beau...deux touches..néant...hmm c'est bon.

Après son interlude pleine de grâce et de volupté,Breccan regagna sa posture martial qui lui a apporté tant de réussite depuis le début du duel.
La Rouquine de son côté devait surement préparer son prochain coup devastatueur...après le genoux et l'épaule pourquoi pas un coup entre les deux yeux.
Le Gallois savait très bien qu'elle ne lui ferait pas un coup pareil.
Brec chassa toute pensée parasite de sa caboche et porta toute son attention sur la position de sa sœurette, ses pieds, ses jambes, sa façon de tenir son bâton...le vendeur de cochonnailles du coin de la rue un peu plus loin en ville.
Attention petit scarabée tu t'égares une nouvelle fois!
Quelques secondes plus tard,Ewa plaçait son coup et dirigea son bâton vers la hanche gauche du frérot.
Etant à l'affut du moindre mouvement annonçant une attaque imminente,il eut le temps de déplacer sa main gauche vers l'extrémité droite de son arme et de la placer au niveau de sa hanche de façon à stopper perpendiculairement l'attaque de la rouquine.
Ne se permettant pas de savourer cette première opposition significative à la suprématie rousse, Breccan porta quasi immédiatement son coup en direction de l'épaule gauche d'Ewa...appréciant au passage de ne pas se tordre les bras et foirer comme il se doit la première réelle mise en danger de sa sœurette.
Succès ou échec fumant...
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:32

Rester concentrée, rester concentrée, rester concentrée… Deux mots qui tournaient inlassablement dans la tête de la rouquine. Elle pensait avoir mené une attaque sans faille, oui elle pensait, là était sans doute le souci. Avoir trop confiance en soi n’était pas toujours une bonne chose et la preuve en était quand elle vit Breccan faire ses mouvements face à elle. Ewa était sure qu’il allait parer, il reprenait le dessus, reprenait de l’assurance et son regard le démontrait. Sa main gauche se déplaça vers l'extrémité droite de son arme, un ralenti que la rouquine visualisa, mais elle ne put changer son geste déjà fort avancé et il plaça son bâton au niveau de sa hanche de façon à stopper perpendiculairement l'attaque.

Perte de contrôle assurée pour la jeune femme qui avait prit goût à ce que ses attaques ne soient pas arrêtées aussi vite. Retour en arrière d’un combat qui lui laissait des souvenirs cuisants… La Bretagne un an avant, Rieux! Combat acharné contre un breton qu’elle avait réussit à maitriser, puis tête qui se tourna, un frère d’armes en danger avec trois armoricains lui menant la vie dure. Ne prenant pas le temps de réfléchir un minimum elle courut porter secours au soldat. Elle entendait le ressac des vagues au loin, s’approcha, quand soudain elle distingua des formes dans la pâle et faible lueur du clair de lune, s’approcha encore et put identifier ces ombres qui se mouvaient frénétiquement : des archers qui achevaient de bander leurs arcs. Elle s'écarta d'eux, lorsqu'un murmure traversa ses oreilles. Il provenait des pierres non loin, elle entendait appeler mon nom. Regardant dans la direction de la voix, elle vit son frère d’armes, aurait du le rejoindre pour l’aider, le mettre à l'abri. Perdant l'équilibre, elle s'écroula à terre, tenta de se relever au plus vite pour ne pas attirer l'attention... En vain. Elle venait de recevoir un carreau et à part ramper un temps elle fut incapable de faire quoi que ce soit. Ses yeux venaient de prendre rendez vous avec l’obscurité.

Mais que faisait-elle ainsi à perdre pied, que faisait-elle en plein combat à repenser à cette guerre qui était le passé, le passé Ewa! Mais trop tard, bien trop tard pour réagir, Breccan avait profité de son absence passagère pour prendre le dessus et mener un assaut, elle vit le bout de son bâton venir taquiner son épaule gauche… Un simple bruit fendit l’air, annonciateur d’une touche menée parfaitement par son vis-à-vis qui avait su profiter de sa prise d’assurance en parant, et du trouble de la rousse pour cumuler réflexes, agilité et savoir, afin de mener à bien son attaque. Que pouvait-elle dire ou faire à part se repositionner rapidement et ne plus se laisser submerger par n’importe quoi. Comment expliquer qu’elle fulminait intérieurement de s’être laissée emporter ainsi et perdre le fil du combat. Ne rien laisser paraitre, ne rien dire, tourner sept fois la langue dans sa bouche pour ne pas s’incriminer des pires noms d’oiseaux qu’elle connaissait. Non pas qu’elle en voulait à Breccan, il avait finement joué au contraire, mais à elle oui! Même si ce n’était qu’un combat d’entrainement, amical, ce n’était pas une raison pour perdre sa concentration aussi facilement. Des mots, une voix rassurante vint adoucir un peu les traits de la Comtesse, une voix du passé, qui pendant de longues heures avait fait son apprentissage des armes, celle de son père, une simple phrase qu’il maniait à la perfection, quand la rouquine faisait des envolées caractérielles, prononcée a cause de son inattention : Aël, mo chridhe, mo ruin… Et ses lèvres laissèrent échapper dans un murmure :
Mo chridhe.

Un soupir, un battement de paupière pour la rousse qui reprit son assurance et se plaça à nouveau face à son frère licorneux. Bâton tenu à deux mains, un bout touchant le sol prêt à balayer la poussière, la dextre au dessus de la senestre, les phalanges blanchies à force de le serrer. Ses yeux encrés dans ceux du gallois, défiant son audace, cherchant à lire la suite des évènements. Perdre oui, là n’était pas le souci, mais surtout se battre jusqu’au bout et ne pas faciliter la tâche de son adversaire, car là était le jeu… Tout un art !
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Message  Breccan Jeu 3 Sep - 16:33

La contre attaque du Gallois fut aussi rapide qu'efficace, le bâton de la rouquine fut stoppé net et la seconde d'après le score affichait deux touches à une.Ce dernier était toujours en faveur d'Ewa c'est un fait mais Brec venait à présent de quitter le néant total pour rejoindre la pénombre.Maigre satisfaction?
Non non non...ce n'était que le début,du moins il l'espérait et puis il y avait de forte chance que cette attaque admirablement bien portée ait quelque peu troublé l'Irlandaise.
L'homme d'arme ne se faisait pas d'illusion,si trouble il y a eu, il ne sera que d'une durée très infime,Ewa a tout de même eu pour père un maistre d'armes et pas des moindre vu la dextérité de sa fille et sa maitrise de la lame.
Petite elle devait surement déjà s'entrainer des heures tandis que les enfants de son age se foutaient encore les doigts dans le nez ou dans le euh...'fin bref.
Le second coup porté par Breccan, s'il espérait avoir une chance de la toucher une nouvelle fois avec succès ,devait être de la même trempe que le précédent.
Rapide,Direct, sans hésitation et sans tergiverser des plombes, le Gallois ne savait que trop bien que cela était synonyme d'échec cuisant et la rouquine ne perdrait certainement pas un instant pour placer une attaque fulgurante dont elle a le secret.

Un léger sourire sur le visage, signe que cette touche arrivée à point nommé était tout de même plaisante bien que la sœurette menait toujours d'une touche par rapport à lui,Brec préparait petit à petit sa prochaine attaque.
Il était grand temps de mettre fin à cet écart une bonne fois pour toute,permettant ainsi au duel de se clore sur une victoire autant Irlandaise que Galloise.
Après tout, rien n'était déjà tout cuit ni pour l'un ni pour l'autre et c'est ce que Breccan venait de prouver à l'instant en ne se laissant pas abattre après deux touches encaissées l'une à la suite de l'autre.
Ne jamais baisser les bras...Quelle idée?
Ce n'était foutrement pas le genre du beau brun de perdre tout espoir et de s'abandonner à la défaite.
Jusqu'au bout et ce dans tous les domaines, toujours faire son maximum, ne jamais renoncer même lorsqu'on a l'impression que tout joue contre nous et qu'on y parviendra jamais.
C'est justement dans ses moments là que l'on prouve qu'on en a...Ça vaut également pour vous les filles même si anatomiquement parlant..euh..fin bref.

L'œil toujours vif et observateur, l'incorrigible scrutait la rouquine pendant que son pied changeait d'appui, prêt à passer à l'attaque.
Dans la seconde qui suivit Brec s'élança contre Ewa ,le bâton légèrement en diagonal bien décidé à remonter le score à deux touches partout mais cette fois ci il porta son attention sur la hanche droite de son amie.
Le coup porté fut presque un succès...presque.
Alors qu'il était pratiquement achevé, un événement perturbateur vint troubler son bon déroulement.
Perturbateur, certes, mais prévisible car il était évident que l'irlandaise n'allait pas se laisser faire aussi facilement.D'un geste contrôlé et assuré, elle vint parer l'attaque Galloise, ruinant de ce fait tout espoir d'une égalité immédiate.


Bien joué sœurette...
Mais ce n'est pas encore fini.
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:34

Sourire éclatant aux lèvres de la rouquine, elle avait réussi à parer l’attaque du gallois mais elle ne devait pas en rester là. Elle avait trouvé la bonne position d’attente avec son bâton pour éviter à l’attaque de finir en touche. Son bâton était en néflier, un bois dur, mais assez souple. Il vibra sous l’arrêt du mouvement de l’attaque de l’homme d’armes et transmit une véritable onde de choc à Ewa. Elle se replaça rapidement afin de ne pas lui laisser le temps de souffler et d’essayer de l’avoir à revers pour marquer son troisième point. Grâce à un transfert de poids judicieux sur sa jambe droite, la jeune femme arma son coup avant de lancer son attaque dans un plan horizontal en direction du flanc de son partenaire. Mais le malaise revint et fut persistant comme si des images lui parvenaient d'un lointain passé, comme si des entités essayaient de lui parler. Un entrelacs de signes qui, pris séparément, lui évoquaient quelque chose, un sens mais qui, associés, demeuraient obscurs. Elle fut tirée de sa léthargie par la présence du jeune homme qui lui tournait autour, étonné de son attitude et de ses absences, il la regardait bizarrement. En attendant il avait réussit lui aussi à son tour à parer son attaque et elle s’en voulait à s’en tordre les boyaux et l’esprit.

A quoi cela servait-il qu’elle soit rapide dans ses mouvements pour attaquer si elle ne tenait pas sur la longueur de ses gestes et qu’elle se laissait envahir, telle une enfant en proie à des doutes, à des peurs. Elle se laissait trop submerger par les propos de son père quand encore gamine il lui apprenait à maitriser son épée. Mais bon sang de bonsoir Ewa, tu ne peux donc pas rester concentrée ne serait-ce le temps d’un combat? Tu ne peux pas éviter de te remémorer le passé pour essayer de t’en sortir? Tout ça tu l’as en toi! Tu le sais, tu le maitrises! Arrête, arrête, arrête…

Fulminante de rage, Ewaele avait une folle envie de poursuivre son œuvre destructrice histoire de passer ses nerfs. Prompte à la colère? Sans le moindre doute, dès qu'une chose la concernant n'allait pas, elle perdait complètement pieds. Sa position s'était modifiée en quelque chose de plus raide. Une position contractée comme si elle s'apprêtait à bondir au moindre problème. Le visage reflétant parfaitement sa colère n'était pas le moins du monde déformé et malgré cette expression tout à fait impressionnante et effrayante, elle n'en était que plus resplendissante. La suite ne fit qu'empirer la situation et chaque muscle de son corps se contracta même s'il paraissait à l'identique de l'instant d'avant. Toujours aussi furibonde mais cette tension musculeuse était insoupçonnable, elle n'en était que plus dangereuse. Mais pour qui? Pour son partenaire? Non pour elle-même, car à partir ainsi dans des sentiments non maitrisables par rapport à ses non réactions, elle perdait en maitrise de soi, et son combat s’en ressentait.

Souffler, respirer, se repositionner, et faire place nette intérieurement… Vider son esprit, refouler sa colère dans un ailleurs ou s’en servir pour se faire plus forte contre Breccan et enfin mener jusqu’au bout une attaque sans se laisser avoir. Fermer son esprit, se détendre, relâcher ses muscles. Il fallait réagir et vite, ne plus se laisser revisiter, mais cela aussi elle le savait et pourtant elle n’y arrivait pas. Pourquoi?

En place! Elle était prête, car sans nul doute il allait profiter de son attitude pour lancer une nouvelle attaque, à elle, autant faire se peut, de le contrer!
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 16:34

[Quand la fuite est la seule solution…]

Que pouvait-on faire, après avoir entendu les battements du cœur même de la vie? Pleurer? Rire? Les sons des bâtons qui fendaient l’air, qui s’entrechoquaient, recelaient des beautés que même les profanes pouvaient saisir... En infime partie. Et profane Ewa ne l'était pas. Les sons coulaient dans son sang comme l'eau de mer dans les veines des poissons, la trame même de son esprit n'était qu'une vaste partition de bruit d’armes, ponctuée de silence et de bruit, le tout formant un ensemble compact mais harmonieux.

Le responsable de la salle qu’Ewa avait trouvée déboula en plein combat et se mit à bafouiller des propos incohérents. Les deux Licorneux cessèrent de suite et s’approchèrent de l’homme qui essayait de reprendre son souffle et ses esprits pour être plus clair. Apparemment une menace pesait sur la rousse, des propos échangés avec des villageois en tavernes avaient fait le tour de la ville de Lyon et l’homme sachant qu’ils se trouvaient là était venu les prévenir. Des personnes voulaient enlevés la rousse et qu’importe les moyens et l’endroit… Elle regarda Breccan hésitante. Devait-elle tenir compte de tout cela ou ignorer? Elle posa tout de même quelques questions pour en savoir plus et ne pas paniquer pour rien, ferma les yeux se plongeant dans une profonde réflexion. Quand elle rouvrit les yeux, elle avait l’impression que la situation avait changé sans qu’elle ait pu néanmoins l’expliquer. Toute la quiétude qui s’était emparée de son être quelques instants auparavant avait soudain disparu, laissant place au doute et à l’inquiétude. Pourtant, à la fin de la discussion, elle prit la route du monastère pour ramasser ses affaires et donna rendez-vous à Breccan à la porte de la ville en direction du Bourbonnais Auvergne.

Plus tard…

Elle reçu missive de Ryes. Apparemment ses frères avaient aussi reçu des informations la concernant et lui demandaient d’être prudente. Elle dut changer deux fois ses projets et emprunter des routes imprévues afin de les rejoindre au plus vite. Mais une mission allait pointer bientôt son nez pour les Licorneux, mission qui tomberait aussi vite à l’eau car, sans sauf conduit, la rouquine refusa de trainer ses compagnons sur des terres où ils auraient pu se retrouver en procès ou pire en face d’une armée. Alors décision fut prise de se rendre en Limousin, ramener Ewa à Limoges, lui faire récupérer certaines choses et peut être voir enfin la personne qui comptait le plus au monde pour elle : Nicotortue.



[Le rendez-vous… Aurillac]

Perdue dans ses pensées, toutes tournées vers lui… Elle cherchait depuis quand elle était sans nouvelle… De longs jours. Elle ne savait pas ce qu’il se passait, retenu à Paris pour du travail, parti chez les moines pour un repos mérité, ne voulait surtout pas envisager le pire. Déjà son frère Psyk… Non pas Nico, Ewa ne le supporterait pas. La jeune femme, cherchant par réflexe à trouver un échappatoire à cet enfer, dirigea son regard vers le haut où habituellement se situait le ciel. Le firmament avait toujours été une issue, un moyen de s’arracher à la réalité. Une sensation de claustrophobie apparut alors et l’envie de fuir domina complètement l’esprit de la rousse, lui faisant momentanément oublier même ses sombres pensées.

Elle s'absorba une nouvelle fois dans son silence, réfléchissant sur la façon de présenter les choses aux Licorneux... Un rayon de lune glissa sur la pointe de ses cuissardes. L'astre nocturne s'était considérablement avancé dans le ciel et désormais ses rayons dansaient dans les arbres, presque à l'horizontal, là ou le lieu de rendez-vous avait été donné. L'heure avait filé à une vitesse folle. Elle aviserait sur le moment, pas besoin de se torturer les méninges sur une situation qui se dénouerait d'elle-même! Ses alliés seraient bien plus nombreux que ses éventuels détracteurs, s'il s'en trouvait!

Et voilà les quatre cavaliers enfin réuni, Ethan, Fabien, Breccan et Ewa…
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Message  Fabien74 Jeu 3 Sep - 22:59

[S'engager: le départ]

L'atmosphère était sombre ce soit là, les tavernes n'étaient pas fréquentées, pas autant que de coutume. Le couple challiérois s'était retrouvé au Comptoir d'Aurillac, taverne où ils avaient leurs habitudes. La discussion se déroulait sous les meilleures auspices. Fabien et Noeline avaient été séparés un certain temps et comme à chaque retrouvailles, c'était comme s'ils ne s'étaient jamais quittés.
Au détour d'un sujet sans importance aucune, ils en vinrent à parler de leur avenir proche. Noeline pensait à aller chercher leur fille, restée à Cournon chez ses cousins. Quant à ses projets à lui...il n'eut pas le coeur de lui annoncer de vive voix, mais elle avait deviné, comme à son habitude: il avait suffit d'un seul regard pour qu'elle le sache.

Fabien devait partir pour le Rouergue, où la situation exigeait l'aide des Licorneux. Il n'était encore jamais parti en mission avec ses frères et soeurs de l'Ordre: c'était l'occasion idéale. Une demande de laisser-passer fut faite le soir même, pour une paire de jours plus tard. Noeline cachait néanmoins bien mal son dépit et semblait affectée du départ précipité de son époux. Mais elle comprenait, comme à son habitude depuis si longtemps. Et le personnage n'était pas aisé à souffrir, lui même ne se comprenait pas vraiment. Mais pour cette femme, Fabien n'avait quasiment plus de secrets, il était cerné.

Voilà maintenant de longs mois que l'Aurillacois avait été intrônisé Escuyer. De longs mois pendant lesquels il s'était souvent engagé en politique: Procureur, Juge. Puis de longues semaines de méditation l'avaient encore plus éloigné de la Licorne. Multiplier les fonctions et les charges n'était pas sans conséquences, et cela Fabien commençait à le comprendre, à ses dépens.

S'était-il engagé pour parader? Pour porter le grade glorifiant d'Ecuyer? Certes non. L'action lui manquait cruellement. Mais s'engager n'était pas chose aisée, il avait une famille, une fille en bas âge... Le temps lui manquait, et ce n'était pas faute d'essayer. Mais la fin août lui avait permit d'envisager son avenir proche de manière plus sereine car d'ici les nouvelles élections il y avait deux bons mois, ce qui lui laissait assez de temps à consacrer à l'Ordre.

Puis vînt le jour dit du rendez-vous avec les frères et soeurs. Toujours aucune nouvelle des laisser-passer, aussi bien pour lui que pour ses compagnons de l'Ordre. Il ne comprenait pas. Si le Rouergue était tant dans le besoin, si déficitaire, si incapable de nourrir ses troupes, si faible face au Languedoc, pourquoi refusait-il l'aide d'un ordre royal? Car il ne s'agissait certainement pas d'un malentendu, trop de coïncidences pour cela. A l'évidence on ne voulait pas d'eux en terres rouerguates. Pas de laisser-passer, pas de mission! Si tout n'avait dépendu que de lui, il aurait laissé le Rouergue se débrouiller seul, pas de pitié pour les ingrats. Il n'approuvait d'ailleurs pas la trop marquée prise de position du Conseil. Mais soit. Déçu, Fabien décida de proposer ses services à Ewaële, qui avait annoncé son désir de remonter en Limousin, puis de convoyer des amis à divers endroits du Sud du Royaume. Elle accepta et c'est ainsi qu'ils partirent sur les routes, direction le Limousin...
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Message  Fabien74 Jeu 3 Sep - 22:59

[Un tournant nécessaire: écuries de Bourganeuf]

Quand il passa le petit portillon de bois qui menait aux écuries de Bourganeuf, une forte odeur prit l'Escuyer à la gorge. Certes la basse-cour de son château challiérois recélait de similaires effluves mais tout de même.
Portant le revers de la main au nez, il pénétra dans l'atelier. Des bouffées de chaleur l'assaillirent aussitôt, les fers étaient rouges et le fourneau employé à fondre du métal: tout amenait à croire que le Maréchal-ferrand était en plein travail.
L'homme maniait le marteau d'une main de maître, formant les fers uns à uns, d'une facilité surprenante. Au fur et à mesure que la quantité de fers s'acroissait, le tapage se faisait de plus en plus bruyant, jusqu'à devenir assourdissant; c'est ce moment précis que l'artisan choisit pour prendre une pause, bien méritée du reste.
Fabien avança de quelques pas puis se présenta à l'homme, dont le front et les tempes ruisselaient de sueur.


Bien le bonjour Messire, veuillez me pardonner de vous importuner, mais l'affaire qui m'amène est urgente.

Les yeux du Maréchal-ferrand auscultèrent le jeune homme de pied en cap, observant un silence quasi-religieux et semblant sonder l'impudent, il opina finalement du chef, au plus grand bonheur de Fabien.

Pour sûr, c'est mon métier de régler les affaires urgentes. Commencez dont par m'dire c'qui vous amène mon bon Messire...

Sans sourciller, l'Escuyer exposa sa requête à l'homme.

Bien, je suis à la recherche d'une nouvelle monture. Oh pas d'une bête de guerre, non, mais bien d'un animal pouvant supporter plusieurs jours de chevauchée. Je ne cherche pas forcément l'originalité, mais plutôt la fonctionnalité, alors tâchez d'éviter les crinières blanches éclatantes ou les tâches farfelues aristotéiformes... Une robe d'un brun classique fera parfaitement l'affaire, tant qu'il s'agit d'un bon palefroi.

L'homme déposa son marteau sur l'enclume encore meurtrie, passa ses mains sur son tablier, faisant mine de s'essuyer, puis entraîna Fabien à l'extérieur.

Vous savez, vous êtes au bon endroit. Oh j'suis pas un professionnel, disons que je dépanne les gens sympathiques, moyennant pièces sonnantes et trébuchantes, nous sommes d'accord.

Il marqua un temps d'arrêt devant les nombreux boxes, se gratta le menton, puis déclara:

Celui-là sera parfait. C'est un bon cheval vous verrez. Un notable du village qui l'a perdu aux jeux... Le pauvre, s'il avait su qu'une petite partie de tarentelle allait ruiner sa vie...il se serait bien gardé de tout parier.

Remarquant l'air las du jeune homme, il conclut:

Toujours est-il qu'il fera un très bon palefroi. Si toutefois vous en prenez soin, car les chevaux sont comme les femmes, si on veut les monter, faut ben les brosser dans l'sens du poil! Mouahahaha

Un rire tonitruant retentit dans l'arrière cour. Ah ça, on rencontrait de sacrés personnages en voyage...
N'empêche que Fabien avait maintenant une monture adaptée à son nouveau style de vie, ou du moins à ce qui l'occupait à présent.
Il paya grassement l'artisan, puis s'en alla en tirant le cheval par la bride.


Viens donc mon bon, tu verras, tu te plairas à Challiers, les prairies sont vertes et bien grasses!

Fabien employa les minutes qui suivirent à décharger l'animal nouvellement acquis, pour charger le tout sur le dos de son vieil ami, un peu trop vieux pour les voyages. Astir, cheval de trait de premier choix, avait suivi le jeune homme depuis le début; ses coups de tête, ses coups dûrs, ses réussites... Il était maintenant temps pour lui d'aspirer à une retraite bien méritée dans les plaines du domaine.
L'Escuyer lui caressa longtemps l'encolure, avant de seller et de monter son nouveau palefroi, tenant Astir par la bride.
L'équipage prit la direction de l'auberge choisie par Breccan, ses compagnons devaient déjà être à l'intérieur, et Fabien avait hâte de les retrouver.


Déjà trois jours d'une folle équipée et il se sentait revivre, il y avait longtemps qu'il n'avait pas goûté aux joies des chemins... L'ivresse du vent faisant claquer la crinière du cheval... Assurément son but était atteint, il avait proposé ses services à Ewaele pour connaître un peu mieux ses frères et soeurs de la Licorne, et déjà il se sentait comme chez lui. Les jours qui venaient de s'achever lui avaient réservé bien des surprises, comme Carmody, le vassal ingrat, ou bien encore Antonia, la mémoire d'Aurillac; et qui sait ce que ceux qui allaient suivre lui réserveraient encore... Une chose était d'ores et déjà certaine: il ne regrettait aucun de ses engagements.
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Message  Ewaele Jeu 3 Sep - 23:08

[Limousin… Partir ou rester ?]

Tulle, Limoges, Bourganeuf, Limoges… Serait-ce les derniers jours de la rousse en tant que limousine? Oh il lui resterait toujours ses terres mais qu’est-ce que cela représentait vraiment pour elle par rapport à tout ce qu’elle avait pu vivre dans ce Comté. Pourquoi la haine et la hargne de certains ne pouvaient pas rester là ou elles se trouvaient? Pourquoi fallait-il toujours trouver une cible, une âme pour déverser son fiel et soulager ses propres erreurs? Ils y versaient leurs poubelles. Un amas informe, puant, dates limites largement dépassées. Tous les détritus qu’ils amassaient depuis ces semaines de repli, cloitrés dans une vie trop étroite, trop noire. Des trainées visqueuses. Des épluchures grossières. Ils ne prendraient probablement pas le temps de fignoler tout de suite, jetant fiévreusement le surplus de leurs élucubrations. Ah oui, parce qu’ils n’ignoraient rien des concepts, mécanismes, processus, fonctions, liens, relations, équations, théories, découvertes, recherches scientifiques, théologiques, psychologiques, astrologiques, médicales, patronales, économiques, politiques, universitaires, et patin couffin, tout dans le même cerveau qu’ils avaient derrière eux comme l’étoffe d’une robe de soirée à bouffer les marches du Grand Palais. Toute chose possédait son explication, surtout si elle n’en possédait aucune. Alors ils patouillaient, gadouillaient, grouillaient de ramifications et d’emberlificotâges et tout cela vous tenait des nuits entières éveillé, mon brave, parce qu’il fallait bien se dévouer pour la gloire.

Un seul espoir… Lui! Elle n’attendait qu’un mot, une main, un sourire. Ils ne parlaient pas le même langage… Amour? Il faudrait s'envoler si haut, dépasser tant de murs, rompre tant de silences. Ne plus écouter peut-être la rumeur là-bas, elle qu'on ne percevait que si peu, si bas, celle du fond de gorge et toujours plus profond. Un sourire avait recouvert la dégringolade de ses pluies souterraines. Fermer les yeux en verbe sans conjugaison… Laisser leur liberté aux charbons des ardeurs, aux deuils des flambeaux déchus, aux agonies malgré elles. Toutes ces questions sans réponse. Toutes ces couleurs dégoulinées, confondues, pauvres masques défaits et refaits à fin inépuisée, dérisions renaissantes. Il était où? Assise sur son tas de bûches, assise en regard fixe, assise en bas-côté, en marche rompue, en arrêt sur image, elle demeurait là, hébétée, doigts en sang, jambes inertes, genoux serrés.

On avait bien du lui dire.

Toutes ces choses qu'elle n'avait pas comprises. Qui lui fermaient le cœur en lui tordant le ventre. Toutes ces choses qui lui étaient étrangères ou qu'elle avait fuies un jour, il y avait longtemps. Entre lesquelles elle avait posé des jours, des nuits, des jours, des nuits, d'autres encore, beaucoup, en redressant la tête pendant qu'enfin ses jambes avaient accepté de la porter plus loin.
Alors elle avait aimé. Pour la première fois depuis longtemps. A mains nues, sans grammaire des chiffres ni équation. Elle avait aimé! Froissements. Crissements. Une jambe contre l'autre, elles glissaient et se caressaient des chevilles. Ses doigts cherchaient le tendre galop dans ses cheveux. Il était des mots qui ne la quitteraient plus jamais. Faucheurs de tendresse. Ils avalaient, déconstruisaient. Un monde découpé en petits morceaux papier à jeter. Au feu. Qu'avez-vous fait de nous… Au ventre montait la sourde plainte des océans jamais rassasiés. Froissements plus haut. L'entrave des étoffes qu'ils voudraient déchirer. Qu'avez-vous fait de notre amour ?

Qu'avez-vous fait de nous… Partir… Il la retrouverait si il l’aimait comme elle pouvait l’aimer… Partir!
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Message  Abbygaelle Jeu 3 Sep - 23:14

[Ailleurs, juste ailleurs….]

Un coup de tête ? Non…
Un rêve de baroudeuse ? Pas plus...
C’était plutôt un besoin vital qui l’avait poussé à préparer rapidement son baluchon pour suivre la troupe de licorneux dans leurs périples à travers le Royaume. Une question de vie ou de mort, telle était l’enjeu. Elle savait qu’en restant en Limousin, en cet air devenu si lourd, si pesant, si nauséabond, ses crises d’angoisses allaient se répéter et l’achever. Elle avait déjà failli passer la frontière si ténue entre la vie et la mort quelques semaines plus tôt. Son fil, si fragile, risquait encore à tout moment de se rompre.

La jeune femme n’était pourtant pas du genre à se résigner. Elle savait dans le fond qu’il lui fallait rebondir et vite, trouver une porte de sortie, une qui l’emmènerait loin, juste loin. Prisonnière, elle avait toujours choisie d’être prisonnière, entre l’armée, le conseil, la ville, les gens… Elle les avait vu partir un par un, restant sur le pas de la porte, à attendre un éventuel retour. Mais ce matin là, elle se libérait de ses chaînes, elle ouvrait les portes, elle prenait les devant, laissant derrière elle la grande faucheuse et enfilait ses bottes en vitesse pour rejoindre son monde.

La veille, elle avait quitté sa sœur le cœur serré, l’esprit plein d’éléments confus, partagée, sciée en deux entre tous ses mouvements contradictoires. Grodard, lui, dirait surement que c’est du à son statut féminin mais là plus que jamais, sa tête devait se vider… Pour un nouveau départ…

Sa date d’anniversaire approchait et toujours les mêmes questions restaient en suspens. Ce qu’elle désire vraiment, ce qu’elle fait là, son rôle, sa place… celle qu’elle pensait trouver… celle qu’elle cherche toujours… Sa quête l’ayant amené à tout et rien au final, s’entourant surtout d’une bouée de femmes, presque aussi instables qu’elles, dans leurs blessures, dans leurs fêlures. Elles, qu’elle avait pourtant choisie pour leur forces de caractère, pour leur certitude de savoir ou leur pas les mènent. Elles s’étaient toutes révélées aussi fragiles, aussi torturées que ses vertigineuses incertitudes. Pourtant, elle savait qu’au fond, c’était ce pourquoi elles les avaient suivies…

Elle suivait l’une d’elle à présent, les autres étant affairées ailleurs. La comtesse avait accepté qu’elle joigne sa personne et son épée à la troupe. Enjouée par l’excitation du moment, ses nuits se prolongeaient dans la même intensité que ses journées et ses réveils étaient à chaque fois, un déchirement et un concert de grognement.

Limoges, ville qu’elle haïssait au-delà de tout. Juste supportée pour la taverne de son amie qui avait accepté de la loger pour la nuit. Le lendemain, c’était Bourga… qu’elle ne verrait pas. Ce jour-là, c’est les quelques rayons de soleil qui la réveillèrent, rayons qu’elle aurait du voir se lever sur les routes limousines. Louper le coche, au début du voyage, c’est douloureux. Heureusement pour la tulliste, la troupe revenait et la reprendrait en route. Dommage pour Bourganeuf qu’elle aurait aimé connaître. Mais dans le cœur de la limousine, seul Tulle avait le moindre signe d’intérêt en ces terres. Unique raison d’ailleurs pour laquelle elle ne déménageait pas comme ses camarades.

Les rayons qui l’effleurèrent la firent lever d’un bond. Le cœur qui s’emballe, la pression qui monte, celle-là même qui avait failli l’achevé, les habits enfilés à la va vite, les bottes et d’un bond, une course folle pour joindre le lieu de rendez-vous. Vide bien-entendu… Suivi de deux journées à étudier à l’Université, histoire de paraître moins ingénue si elle rencontrait, par hasard, de grandes compagnies en chemin. Et le grand départ… enfin !
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Message  Marie Alice Jeu 3 Sep - 23:24

[On ne prend pas tous les mêmes mais on recommence]

Limoges, le retour. Pour quelqu'un qui n'était plus limousine, elle s'y retrouvait souvent ces temps ci. La dernière visite éclair avait vu le visage de Maeve, sa plus jeune fille, s'orner d'une balafre. Celle-ci verrait Marie repartir avec Ewaele pour la mener vers Lyon, Flaiche et Seleina pour les mener à Sémur. Un soupir, son frère lui restait, encore et toujours, même s'il en mourrait à petit feu. Grognement sourd, arriverait-elle à le décider à son prochain passage, quand Aleanore sortirait du couvent pour rejoindre sa famille? Rien n'était moins sûr mais rien non plus ne l'empêcherait d'essayer. Deux têtes de mules. Qui céderait le premier du frère ou de la soeur? Qui baisserait la garde? Impossible à dire. Surtout qu'il y avait cet Autre à surveiller, cet Autre qui pouvait surgir à n'importe quel instant. Cerridween en avait-elle parler avec lui? Pourquoi lui avait-il dit d'ailleurs? Sans doute par vengeance, par désir de lui montrer que pour elle aussi, il avait des secrets, qu'elle aussi partager certaines choses. S'en voulait-elle? Oui bien sûr, la brune s'en était voulue au moment même où les mots avaient franchi ses lèvres. Enguerrand lui en voudrait certainement aussi mais c'était trop tard.

Limoges... Calme... Souvenirs repoussés... Un Gaspard dans la nature, ayant préféré filer lors de la halte dans la campagne, un garde repartit veiller sur lui. Pourquoi rien ne se déroulait-il jamais comme prévu? Même un simple voyage? La suite du voyage serait donc détournée pour aller le récupérer, une bonne remontée de braies en prime. Missive partie à un Capitaine Talus, rencontre repoussée à... A quand... Comme écris, la licorneuse l'ignorait. On verrait. Ne plus prévoir trop loin, c'était encore le mieux.

Après-midi tranquille, soirée un peu plus animée, passée à Bombarde et Chataignes. Autre souvenir que ce nom qu'elle avait trouvé pour l'armée qu'elle avait tenue à Limoges au retour de Vendôme. Non elle ne s'appellerait point la COLM numéro machin. Il avait perduré ce nom, qui se souvenait seulement qu'elle en était à l'origine... Peu s'en doute et d'ailleurs elle s'en moquait. D'abord petite soirée licorne, avec distribution de surnoms idiots, Breccounet, Fabinounet, Ethanounet. Idiots c'était bien le mot oui... Avant de se retrouver avec des souleurs et de ne rien comprendre, Seleina à ses côtés ne semblant pas comprendre non plus, pour finir par une discussion avec une habitante de Mayenne, reparler de l'attaque que le Maine avait subi et qui avait conduit à la bataille de Vendôme.

Le clou de la soirée fut lorsqu'elle revint un peu plus tard, retrouvant Carmody, Antonia, Breccan, Ewaele et Flaiche. Flaiche... Un coup sur la tête? Une plaisanterie dont il était friand? Non.. Visiblement non.. Il avait à nouveau tout oublié. Un baiser pour tenter de faire remonter des souvenirs puisque les mots n'y parvenaient point. Un baiser lui permettant de se souvenir qu'on l'appelait aussi Violette... Mais des enfants, de leur mariage, de leur histoire, nul souvenir. Ewa devait fermer sa taverne, mettre la clé sous la porte, ils étaient donc sortis et avaient enfin pris la route... Au matin elle se rendrait compte que Gabrielle n'était pas dans le coche, à son tour et elle se retiendrait d'hurler son ras le bol, le trop plein de soucis, de colère, d'énervement. Elle se retiendrait également de tout planter là, de trouver le premier couvent venu pour faire comme certains, s'en laver les mains et laisser d'autres assumer à leur place. Mon dieu ce qu'elle pouvait le haïr en ce moment...

Non décidément, rien ne se passerait jamais tranquillement....
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Message  Ewaele Ven 4 Sep - 17:05

[Du Limousin au Bourbonnais-Auvergne… Les sentiments]

Mélancolie…

Elle était l’isolement … Elle n’était qu’une idée confuse... Depuis que tomba ce jour là, la nouvelle du départ du groupe. Brutalement. Là, comme ça. Elle se souvenait, les chevaux s'étaient ébranlés presque furtivement, sa taverne s'était enfuie de glissement en glissement puis les premiers quartiers de la ville dans la nuit tombante, les rues entre les murs, les murs entre les terres.

Elle était l’isolement … Elle n’était qu’une idée confuse... On aurait pu lui arracher un bras que cela n'aurait pas été pire. Nico, mon amour, mon frère. Pas un jour sans qu’elle n'y pensa. Il y avait comme un trou dans les bruits de la ville. L'échancrure de son absence. Mon compagnon de tout ce temps, elle s'en allait mais elle ne le quittait pas. Il y avait trop d'incertitudes. Trop de cavales pour leur échapper. Trop de traques et tous ces couloirs. L'incarcération de papier. Et puis l'incarcération tout court.

Elle était l’isolement … Elle n’était qu’une idée confuse... Elle avait honte de son Comté. Les droits de l'homme n'avaient pas de sens. Les mots étaient vains. Leurres. Dans la ville aux mélanges des couleurs, elle ne voyait pas d'arc-en-ciel. Juste des puissants et des soumis. Et les autres qui ne faisaient rien, témoins de chiffons en quête d'eux-mêmes. Peut-être, ou peut-être pas. Et elle était devant cette boîte vide parce que même le fond avait été soigneusement nettoyé. Avait-elle bien fait de partir? Elle avait un trou, là. Sous sa chemise, du côté gauche. Les armes n'auraient pas fait pires. Sa famille c'était lui. Ils auraient pu même traverser le gel, même avoir faim souvent. Ils auraient pu. La chance tournait parfois, qui savait? Elle regardait les autres voyageurs. Ils partaient tous vers une destination sûre. La sienne demeurait aléatoire. Un jour ici, un jour ailleurs. A petits points bouffer les frontières. Elle avait faim. Mais elle ne mangerait plus…

Colère…

A ceux qui par désinvolture poussaient la porte sans frapper. Qui vous regardaient sans vous voir parce qu’ils relevaient leurs mèches dans vos yeux. Qui déversaient sur vous leurs histoires en tir groupé. En prenant votre nappe pour un dégueuloir et votre cuisine pour un défouloir. Sans attendre d’autre réponse que le cirage de leur nombril. Avec leur mouchoir qu’ils portaient classe en tampon d’une rare élégance. Roulé en boule dans leur main fermée. A ceux qui changeaient votre boudoir en confessionnal. En vous jetant un bonsoir si peu du bout des lèvres, que pour un peu vous ne l’auriez pas entendu tant il était inaudible. En civilité obligée pour faire joli. A ceux qui déchargeaient leurs poubelles dans votre service de porcelaine. Se servaient de vos rideaux comme un torchon. Et couvraient de leur voix les pleurs des enfants dans une parfaite indifférence. A eux qui prenaient le monde pour une spirale autour d’eux-mêmes. Ou pour les pions d’un échiquier soumis à leurs humeurs. Qui vous demandaient de les hisser en évitant de préciser que vous resteriez au fond. Parce qu’ils vous plombaient en toute impunité. A ceux qui au mépris de vos propres emmerdes, vous collaient les leur en vous dépouillant au passage des quelques choses belles, qu’il vous restait encore.

A tous ces emmerdeurs, ces parasites, ces impromptus qui lui pompait l’air. A ces démolisseurs sans vergogne de ses quatre heures et ses mi-nuits. Sans cracher dans la soupe dont ils l’avaient démunie. Pour leur sans-gêne étalé à grand bruit. Leurs règlements de comptes à tapisser ses murs et lui bourrer le crâne. Pour leur aplomb qu’elle avait prit dans les dents. Et leur longue carrière à lui dépouiller de ses amis et de son amour. Pour leur ténacité à la rendre insomniaque malgré elle. Jusqu’à pourrir ses rêves.

Elle tirait sa révérence.

Spleen encore...

Au-dessus, très loin, le clair de lune enlisait la nuit dans le ventre des arbres. Les ornières ressemblaient aux rides d'une terre fatiguée. La rumeur de la ville s'était tue depuis longtemps. Clair de lune, clair de femme, un chant de liberté s'insurgeait dans sa gorge. Trop longtemps muselé.

"Où..."
Où ailleurs. Où loin. Où ici. Où enfin. Où encore. Où Fa, où Sol, où demi-ton, où long, où soyeux. Où était la main. En circonvolutions chorégraphiques. Sous les étoiles, dans l'instant des fragments d'un paradis à l'ivresse. Rancœur. Nostalgie. Des chaînes défaites, abandonnées là, sous la lune, loin du monde d'avant.

Avec, devant, à peine un peu plus en amont, dressées vers l'étrange saveur de la promesse, les roses de glace près de la cheminée.

Et si c'était vrai? Ce ne serait que la légitimation d'une page tournée. L'avait-il donc oubliée? Elle avançait, et chaque lieue franchie, chaque heure avalée, chaque défaite de lui, ressemblaient à la chronique d'une mort annoncée.
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Message  Ewaele Jeu 24 Sep - 13:21

[Chevaucher encore et encore.]

Rien ne changeait, tout recommençait… Elle allait finir par connaitre le Royaume comme sa poche. Ils étaient partis en direction de Sémur pour ensuite prendre un logement en Lyonnais, mais ils n’avaient eu le temps d’arriver en BA, que déjà il fallait faire demi-tour pour revenir sur leur pas… Le Limousin! La Comtesse avait eu vent d’on ne savait quoi et, bon gré malgré, avec Ethan, Breccan et Abby ils avaient rebroussé chemin jusqu’à Limoges. Là au bout de quelques jours, elle avait reçu une missive de Marie qui l’informait qu’elle avait vu Nico à Paris. Le Limousin était calme et à vrai dire elle n’avait pas forcément réfléchi, elle avait sellé sa monture et tracé jusqu'à lui.

Paris...

Ryes, rendez-vous pris pour l’intronisation, puis ensuite reprendre les routes, là où le vent les poussait, enfin presque. La Bourgogne. Mais si tout était aussi simple cela se saurait. La Vicomtesse avait demandé pour eux des sauf-conduits, mais au bout de quatre jours, pas de nouvelle. Ewa avait prit sa plume et envoyé missive à la duchesse et copie à son prévôt. Le lendemain elle serait sur les terres bourguignonnes alors que les frontières étaient fermées. Quoi faire? Elle avait attendu longtemps une réponse en compagnie de Breccan et de dames blanches, Ethan lui était parti préparer les montures au cas où ils auraient enfin reçu les autorisations. Mais ne voyant rien venir, Ewa avait décidé coûte que coûte d’y aller. Un pigeon les trouva en chemin et fit arrêter le convoi. Quand elle prit lecture, elle tenta de garder son calme et de ne pas penser qu’on se moquait ouvertement d’eux. Elle dût répondre aussitôt et faire part de ce qu’il se passait à plusieurs personnes afin d’expliquer la situation tordue dans laquelle ils se trouvaient. Inconcevable était le mot exact. Elle espérait faire éviter soit un poutrage en bon et due forme, soit un procès pour avoir enfreint l’interdiction posé par Sa Grasce.

Est-ce jouissif de se dire qu’un jour on arrivera à faire ce qui était prévu? Elle pensait récupérer ses biens que le Gardon avait emmenés avec lui et rallier enfin Lyon. Mais encore une fois c’était compter sans le destin et… Les rumeurs! Elle commença à se poser de sérieuses questions quand à l’endroit où elle devrait poser ses malles définitivement pour le coup. Retour en Bourbonnais Auvergne sur la demande du Duc. Mais voilà une folle idée avait germé dans la tête de la rousse, elle en informa Ethan qui lui conseilla d’en parler avec le Grand Maitre. Ce qu’elle fit dés qu’elle le put. Et tout s’était enchainer à vive allure. Les trois licorneux qui ne se quittaient plus depuis sa fuite du Lyonnais reprirent les rennes et chevauchèrent des jours et nuits durant. Ne rien dire, éviter les villes pour ne pas être repérés, elle avait apprit qu’apparemment certains s’amusaient à la tracer mais pourquoi? Elle n’en voyait pas la raison, ni le but. Elle était si peu de chose dans ce bas monde, qu’imaginer un seul instant que ses allées et venues puissent intéresser… Laisser faire les choses, elle aurait bien le temps de savoir ou pas de quoi il retournait et pourquoi on désirait savoir où et avec qui elle voyageait.

Aujourd’hui ici, demain ailleurs, voilà ce qui était devenu sa devise ou sa réponse quand on lui demandait en taverne d’où elle venait et où elle se rendait. Ne rien dire. Qui cela regardait-il? Et qu’est-ce que ça changerait au quotidien des villageois où les trois licorneux prenaient repos? Oui enfin une ville : Chinon, une auberge au petit matin pour prendre enfin du repos. Un lit! Elle en rêvait. Ewaële plongea dans un sommeil peuplé de rêves. Tout d’abord elle rêva des événements de la journée, revoyant chaque moment avec plus d’acuité. C’était même très étrange de revivre tout en ayant un regard extérieur, comme si elle se trouvait en dehors de son corps et qu’elle était un spectateur invisible. C’était si bon et doux comme rêve, si apaisant également mais ce fut de courte durée car les cauchemars la rattrapèrent.

C’était toujours le même qu’elle faisait depuis plusieurs années maintenant mais c’était seulement depuis son arrivée en Limousin qu’elle s’en souvenait une fois réveillée. La jeune femme avait huit ans et c’était le jour de son anniversaire. Elle était excitée car c’était un jour très particulier, elle le sentait mais ne savait pas pourquoi. Seulement elle était aussi contrariée, depuis son réveil personne ne faisait attention à elle et surtout pas sa mère qui semblait inquiète, sur le qui vive. L’enfant tentait de refréner sa colère, sa mère l’accusant trop souvent d’être trop égoïste mais tout de même c’était son anniversaire aujourd’hui. Elle avait dû supporter la veille une tradition ancestrale pénible mais c’était uniquement parce qu’elle savait que le lendemain serait prodigieux. Pourtant rien ne se passait comme elle l’avait imaginé. Son père avait disparu la veille et sa mère semblait soucieuse et ailleurs. Soudain elle entendit des sabots dans la cour de la maison et sa mère se précipita alors dans la chambre d’Ewa. Elle attrapa une besace qui semblait déjà prête depuis des jours mais qu’elle n’avait pourtant pas vue et elle l’entraina la tirant par la main. Elle observait la scène abasourdie. Mère et père se disputaient violemment. Pour une fois, sa mère partageait leurs échanges sans se rendre compte qu’elle était pourtant bien là. Elle commença à taper du pied pour attirer leurs attentions et allait exiger des explications quand sa mère se tourna vers elle, esquissa un geste et la toucha au front.

C’était toujours à ce moment là qu’elle se réveillait, en hurlant dans le pire des cas, en tremblant dans le meilleur. Cette fois-ci, la jeune femme émergea péniblement de son passé dévastateur en tremblant. Il lui avait semblé que le rêve était plus réel qu’habituellement mais c’était uniquement du à la réalité qui l’imprégnait involontairement. Elle avait relevé la tête, les yeux emplis de larmes de rage et de frustration. Plus elle en rêvait et plus des détails se précisaient mais elle ne comprenait toujours pas pourquoi son père et elle avaient fui. Comme à chaque réveil, sa marque de naissance, qui était tatouée en bas de sa colonne vertébrale palpitait doucement pendant quelques minutes. Elle balaya une mèche de cheveu de son visage et décida qu’il était temps de reprendre la route… Direction l’Anjou !
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Message  Abbygaelle Mar 24 Nov - 2:24

[Saumur, la forte tête]

Rien n’était prévu mais la vie est ainsi faite que les surprises s’enchainent et qu’elles poussent à faire des choix inenvisageable quelques temps, minutes, secondes plus tôt. Il n’était pas prévu qu’elle reste une bonne semaine à Saumur. Censée être une ville étape de son parcours, le temps semblait s’être figé aux portes de la ville. A ce rythme là, nul doute qu’il lui faudra une vie pour faire le tour… du Limousin.

Pourtant de belles rencontres dans cette ville, réputée repère de mercenaire. Il faut dire qu’il y a des phénomènes qui peuplent les tavernes et qui donnent à la ville cet air renfrogné qu’le soleil et les papillons n’parviennent pas à effacer. La limousine préfère en rire même si certaines rencontres font remonter à la surface un passé qu’elle préfère derrière elle. Accompagnée d’Ewa et de ses frères d’armes, elle tente de s’assurer que les mauvais rêves ne referont pas surface. L’vin d’Anjou aidant, il est vrai, à passer de bonnes nuits.

Une sœur introuvable qui a disparu dans la brume angevine et qui la laisse à la rousse comme le berceau d’un nouveau-né à la voisine. Une rouquine qui s’était décidée à venir la chercher et qui devient tout à coup prisonnière d’la cité aux mille et un brigands. Les traits tirés pas une fatigue venue de loin, elles étaient belles à voir les limousines…

La situation se tordait pour devenir le déjà-vu d’une situation qui fut la même quelques temps plus tôt. Une fois de plus le cœur veut partir loin des tumultes, l’esprit loin de ses tortures et l’corps loin d’la boisson. Un autre jour pour une autre vie, oui mais sa vie à elle ne semblait qu’un eternel recommencement…

Lundi elle partirait, soulagée mais ravi d’avoir revue une amie perdue, une Linon qu’est resté là même et dont elle se sent toujours aussi proche. Elle aurait aimé l’aider dans son trafic œnologique mais elle avait déjà bien suffisamment touché à la boisson. Elle craignait qu’un soir où les démons seraient d’sortie, l’poison fasse son effet et l’emporte dans une mer rouge.

La réflexion commençait dans la cervelle de la brunette, que faire ?… Quel chemin donner à sa vie ? Et déjà des réponses se dessinaient sans qu’elle n’les aient invités. La licorne ? Les dames blanches ? Les brigands ? La diplomatie ? Tout se mélangeait en une suite d’engagement dans une voie comme dans une autre…

Elle prendrait des risques, il le fallait. Elle l’avait toujours fait pour voir à quoi elle pourrait résister. Se frottant à tout ce qui pique, griffe, mord, coupe, elle gardait des cicatrices de ces expériences qui lui avaient au moins appris ce qu’elle n’était pas. Elle n’était pas un fauve, comme ceux qui baillent plus qu’ils ne rugissent dans la cage au lion d’son OST. Elle n’était pas une hyène politisée parce que les sarcasmes et l’acharnement sur les plus faibles n’étaient pas son fort. Elle n’était pas non plus un serpent, comme ceux des nids d’brigands qu’elle avait pourtant largement fréquenté. Non elle n’était pas tout ça. Mais était-elle pour autant une bête cornue ou une abeille d’la ruche à l’écu vert ? L’avenir seul le dira…
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Message  Ewaele Mar 24 Nov - 14:19

[L’errance…]

Cela avait commencé il y avait maintenant plus de quatre mois… Pourquoi, comment, elle en était arrivée là serait sans doute trop long à raconter, mais elle fut toujours accompagnée par des frères Licorneux, en plus ou moins grand nombre, mais jamais seule sur les routes du royaume de France. Des liens s’étaient crées, des complicités, mais aussi un apprentissage, un savoir. Dire qu’elle se façonnait serait faux, elle avait toujours eu un caractère bien trempé, même si elle avait apprit à ses dépend à se taire ou à ravaler sa fierté. Mais elle devait reconnaitre que c’était dur, elle avait trop connu les affres des responsabilités pourtant pour savoir ce que c’était, mais on ne la changerait pas ou du moins peut être en apparence: chassez le naturel, il revient au galop!

Vivre dans un univers différent, voyager du Limousin en Bourgogne, pour aller en Lyonnais, puis le Bourbonnais Auvergne et à nouveau le Limousin pour repartir elle ne se souvenait plus ou exactement. Mais elle se souvenait de ce jour où, avec Ethan et Breccan, ils avaient fait route vers la Touraine, puis l’Anjou, le Blondinet dirait qu’ils avaient eux le nez fin sur ce coup… Période d’attente, d’observation, période où la vie à trois s’organisait simplement. Une auberge ou bien une écurie pour certain… Un lit ou de la paille, de quoi se poser, se reposer, et entre deux chevauchées le reste… Eux, elle, quelques livres empruntés dans les différentes universités, la soif du savoir, la soif de s’enivrer de connaissances. Et ce qui n’était pas dit lui appartenait, car trop de mots tuent l’histoire, son histoire… Sa vie telle qu’elle pouvait la concevoir à ce moment là, telle qu’elle avait envie de la mener.

Chaque être en ce monde possédait sa part de mystère, d’insouciance, d’envie. Mais surtout, ils avaient tous en eux ce petit quelque chose qui les poussait à avancer, à toujours suivre ce sentier fermé qu’est le destin, la fatalité. Mais qu’était-ce que le destin? Etait-ce simplement une suite d’événements incontrôlables dont l’enchaînement était décidé avant même toute chose? Avant la naissance même de cet univers impitoyable ne laissant aucune place aux remords et à l’interrogation sur ce dit destin? Que de questions qui finissaient par aboutir sur d’autres questions. C’était un cercle sans fin, un cercle vicieux, comme si l’on était enfermé dans un labyrinthe dont la seule issue serait une porte menant à d’autres portes se trouvant elles mêmes au bout d’un labyrinthe, et qui elles mêmes par la suite mèneraient sur d’autres portes.


[Un temps.]

Comme un silence incohérent, une inhabitude, un entrechoc dans la pensée. Un temps existait peut-être en soi, mais on lui attribuait un mot erroné qui ne s’encastrait pas bien dans la définition de ce vide lui aussi mal nommé. Un temps n’était qu’un chaos indicible. La surface n’avait d’importance que par ce qu’elle cachait. Ou par ce qu’elle recouvrait, comme on voulait. C’est en dedans que tout vivait, bougeait, bouillonnait, exultait et prenait ses formes véritables.

Elle se taisait parce que la traduction de sa pensée serait la travestir. Parce que les mots se pressaient dans leur sens indécis. Dans le tollé qu’ils soulevaient en écorchant ceux qu’ils voulaient simplement frôler. Parce qu’elle prenait les choses trop à cœur? Qu’elle dérangeait? Qu’elle errait à perpétuité? Elle se taisait parce qu’ils l’étranglaient. Qu’avec leurs griffes au bout des doigts ils déchiquetaient la bienséance. Qu’avec leurs dents ils mordaient la quiétude.

Ça faisait clac quand sa boucle au noir la barbarie en soi. Ce champ de bataille aux multiples fronts. Et ça cognait d’un mot à l’autre. Ring en festin de coups bas. Ça trouait salement le fil sur lequel elle s’était aventurée. Ça croisait le fer. Ça s’étripait et ça hurlait et ça râlait comme à la guerre… La guerre justement!

L’ambition et les susceptibilités ne connaissaient pas la raison. Pauvre folle elle allait à l’échafaud de l’imbécilité. Perdre la face du mutisme. Un mot déchu ne signifiait il pas la défaite de celui qui ne l’avait pas dit?

Elle n’avait pas le droit de se laisser vaincre. Elle était entière, fière, jusque dans la stupidité, l’inconvenance. Le désordre. Elle était dérangeante, remuante… Anarchique sans doute pour certains mais qu’importe après tout, ils n’avaient pas compris: elle ne se battait pas pour elle mais pour eux. Et souvent contre elle-même.


[L’histoire.]

Blois : Calme, paisible, on entendait le tapement des marteaux sur le fer. Les forges ne se faisaient pas rares dans le coin. Les marchand vendaient leurs biens tandis que les artisans brodaient, chantaient ou peignaient. Une lance la suivait de loin, faisant preuve d'une discipline exemplaire, même si l'un deux tournait la tête pour regarder les artisans au travail. Elle essuya la sueur qui s'écoulait de son front du revers de la main gauche, tandis que la main droite tenait l’azur à la licorne blanche contre ses côtes. Sa monture était poussiéreuse mais son pelage brillait encore. Elle suivait son chemin afin de retrouver ses frères, leurs frères qui devaient arriver ce jour de tous les coins du Royaume. Son ventre commençait à faire du bruit, et sa gorge devenait de plus en plus sèche. La nuit avait été longue, et épuisante… Le souffle court, la poussière lui piquant les yeux, la rousse redressa lentement les épaules, descendit de son cheval et fit tomber la protection de cuir qui lui enserrait le buste…. Elle s'essuya le visage dans la manche de sa chemise, scruta les environs… Elle reprit sa marche plus rapidement, parcourut les derniers mètres qui l’a séparait du lieu de rendez-vous, se retourna et observa ses compagnons un moment, ses yeux allant de l’un à l’autre…

Plus tard… Quelques images passèrent devant les yeux émeraude de la jeune femme à l’évocation de son nom. Brièvement, elle écouta les propos du Haut Conseil. Son cœur battait fort dans sa poitrine, mais elle avait rapidement appris, au court de son existence, à transformer la peur en excitation, à la dompter pour ne pas céder à la panique. Et quelle panique aurait-elle bien ressentir? Sa main alla jusqu’à la garde de son épée et, au moment où elle la tirait de son fourreau dans un bruit de métal, elle sut, comme lors de tous ses combats, qu’elle ne pourrait revenir en arrière et la laissa glisser dans son étui... Il lui faudrait aller jusqu’au bout… Aucun mouvement pour rejeter la proposition qu’on lui faisait… Juste un combat contre le temps, contre ses doutes.

Les jours passaient… La fatigue rendait ses mouvements lourds, pesants, elle avait mal, en avait marre. Mais sa détermination n'avait jamais été aussi solide qu'à ce moment présent. Ewaele avait traversé des journées éprouvantes, cette dernière lui serait-elle fatale? Elle se voyait déjà arriver au devant des portes de Tours puis de Chinon. Elle tentait d'imaginer, avec bien du mal, la suite des évènements. Tant d'images traversaient sa tête en flash, tant et tant de choses, qu'elle sentait une force nouvelle la parcourir. Elle revint à la réalité et fixa ses yeux sur l'abrupte chemin qu'elle gravissait depuis quelques temps déjà, la roche qui le composait en était de plus en plus noire, la végétation était de plus en plus rare... Ils approchaient.

Le temps s'égrenait… L’horizon s'éclaircissait. Pâle, Ewa parvenait cependant à voir, de-ci, de-là les formes des maisons, des échoppes, entendait les bruits au loin… Elle était littéralement épuisée, mais au moins une chose positive, elle ne ressentait plus rien, comme détachée de son corps. Et puis, l'atmosphère se réchauffait alors que peu à peu, elle émergeait pour découvrir que le Capitaine de la Licorne avait fait stopper la marche. Lentement, elle s'approcha de lui, pour entendre ce qu’il allait dire, pesant chacun de ses mots. Lieu du campement choisit… La troupe composée de licorneux, Dames Blanches, l'Ordre de la Cosse aux genêts, et de volontaires, amis ou vassaux se stoppa et ce fut un véritable mouvement de masse qui eut lieu sous les yeux de la rouquine. Mais son regard suivait un homme, un seul, celui qui ce jour tenait en sa main les couleurs de la Licorne afin de les planter dans ce sol qu’ils foulaient.
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Message  Ewaele Mar 24 Nov - 14:20

[Le déni]

Refuser ce que son corps pouvait lui laisser entrevoir, refuser d’ouvrir les yeux sur un état qui durait depuis trop longtemps déjà… Des jours et des jours sans qu’elle veuille s’avouer que quelque chose ne tournait pas rond, qu’elle changeait, mentalement et physiquement. Se dire que ce n’était rien et que c’était une certaine mélancolie qui s’était emparé d’elle. Mélancolie certes, mais elle ne pouvait tout rejeter derrière ce mot qui voulait tout et rien dire. Depuis la mort de son frère et le départ du Limousin, elle n’était plus tout à fait elle-même, mais pas à ce point. Elle s’enfonçait dans des limbes et ignorait des signes propres à un état qui ne pouvait laisser de doutes pourtant. Elle avait trouvé dans l’errance une nouvelle force, une nouvelle envie de continuer toujours plus vite, plus loin. Voyager à s’essouffler, à se perdre, à s’enivrer, à n’être plus qu’une femme parmi tant d’autres oubliant ses titres et ce qu’elle avait pu être. Jusqu'à ce retour précipité sur Paris où il était. Jusqu'à ce jour où enfin des cœurs s’étaient livrés, avoués, libérés des non dits, des rumeurs, des salissures. Jusqu’au moment où les mots n’ayant plus leurs places, les yeux, les mains et les corps avaient repris le dessus sur le temps. L’arrêtant.

Et de plonger dans ce souvenir ne pouvait que la mettre en émoi, là dans ce campement où tout bougeait, tournait, virevoltait, où des tentes s’étaient montées, où chacun avait su trouver sa place. Passer de mâtines à laudes, à prime, à tierce, à sexte, à none, à vêpres jusqu’aux complies, en regardant évoluer les différents personnages. Jusqu’au nouveau jour qui poindrait. Mais elle, elle en était là dans ses réflexions. Là où tout avait pu commencer, où tout avait prit vie. Comment ignorer, comment vouloir ou pouvoir l’oublier? C’était la question qui la taraudait et à laquelle elle ne pouvait donner de réponse sans se replonger un peu plus d’un mois en arrière maintenant. Le temps, ménagère méticuleuse, frère siamois de la mort aussi, balayait tout. Les souvenirs heureux d’abord et le tout se déchiquetait ou s’effilochait. Petite neige d’été. Quand ils survivaient, cela n’était que pour se rappeler à ce qu’on avait perdu et le désirer si fort qu’on s’y perdait. On ne rattrapait pas le temps perdu. Les trésors perdus non plus. Le naufrage des heures qui coulaient, tout sombrait en définitive. Le vélin brûlait, l’encre se diluait, les cœurs cessaient de battre pour peu qu’ils aient déjà battu. Avant. Un jour? Le bonheur, lui, on le jurait, la flamme dansante au fond des yeux, « c’est demain ». Pour faire plus vite et abréger cet enfer qu’était l’attente. Mais demain ne venait pas. Tragédie. Etre au lendemain de quelque chose sans être à la veille d’une autre. Cruelle destinée. Et le temps ne jouait pas en leur faveur, ni les évènements. Cette promesse, cette date ne seraient qu’un jour parmi tant d’autres, il fallait l’oublier, l’enterrer, il ne serait rien de ce bonheur qu’ils voulaient construire, il ne serait rien…

C’était une histoire fragile, comme on en trouvait au milieu des manuscrits, une histoire banale, comme on en trouvait dans les faits divers. Les lésions profondes emporteraient leurs âmes abîmées de l’autre côté du fleuve, un jour. Progressivement un mur de pierre et de silence s’était bâti entre les deux amants. Eux pensaient poser chaque jour les briques de leur avenir, mais sous la sueur, les larmes et le sang, la paroi de verre grandissait. Grandissait, toujours plus. Et, au moment de se prendre dans les bras, on ne voyait que soi, soi et son reflet atroce, soi et sa mine triste. C’était un rendez-vous manqué avec la vie, un qu’on ne rattrapait jamais. Repousser cette cérémonie était somme toute logique mais cela laissait un goût amer déjà naissant au vu de leur vie.


[Demain se levait déjà.]

Et tragiquement on oubliait la suite, la pensée s’opacifiait, la brume se levait. Doucement on se rappelait la réalité, les cours, le travail, toutes les vanités grotesques qui nous déshumanisaient.…Les consciences dévastées, la morale et le beau consumés.…La détresse, appel lucide d’une conscience, cri vers l’abîme passé pour un écho qui ne venait pas, qui s'égarait sur les vieilles parois des tentes...

« Mais je rêvais encore, et j’y croyais bien plus fort,
Les étoiles enflammées, qui s’envolaient sur l’aurore,
Le brouillard des idées, qui filaient et s’évaporaient,
Toute une éternité, plus de vie plus de mort. »

Tous ses matins étaient des nuits noires, un spectre étouffant, prêt à la dévorer. Elle n’avait plus d’avenir. C’était ce qui rendait la vie divertissante, sans haine ni rire ni plaisir. Le mal l’entraînait dans sa spirale infernale. A peine mettait-elle un doigt dans l’engrenage que le corps se mettait en branle, happé, la rémission était impossible, la liberté s’appelait soumission.

Elle se sentait mal, le cœur qui se perdait dans sa poitrine et la bile qui se coinçait dans la gorge. Son estomac qui criait mais elle ne l’entendait pas, il était submergé par les flots. Son gosier brûlait et elle avait froid... Y avait cette douleur au ventre qui ne la lâchait pas et l’ombre qui prenait forme. Y avait ses peurs infantiles qui revenaient et elle vomissait. Ca brûlait sa gorge, c’était mouillé comme de la neige qui fondait. C’était froid, cela brûlait. Le sang qui battait ses tempes ne voulait pas redescendre. Ses mains tremblaient, ses lèvres balbutiaient, les phrases n’étaient pas cohérentes. Elle se détestait, ce sourire en coin, son visage figé, ses blessures et sa vie misérable qui ne sortait pas de la route pavée par ses parents. Elle avait les jambes à l'envers et du magma qui coulait pour faire fondre sa tristesse. Un verre, juste un… Le temps de son cœur était capricieux, en ce moment, un nuage grisonnant y faisait pleuvoir une pluie acide à s'en brûler la peau. Ses lèvres se fendaient à lui faire mal quand son esprit était noir charbon. Ses larmes acides creusaient ses joues trop fragiles. Elle n’était pas motivée, son esprit la ramenait sans cesse à lui. Elle essayait de travailler pour oublier. Elle aurait voulu provoquer cette souffrance, appuyer et adorer la douleur à son apogée, atteindre la folie par la douleur, perdre la réalité, se noyer dans ses rêves nébuleux, ne plus exister, s'évanouir, rester dans cet état comateux qui la rendrait peut-être heureuse...

Plus tard… Un bruissement de feuilles pour une larme, lente et sincère. L’automne s’installait, l’air frais rougissait la peau, les feuilles jaunissaient, tourbillonnaient. Au second on apercevait la cime des arbres, elle tutoyait le ciel. Le vent se levait et balayait la salissure. Les branches se secouaient, les oiseaux sifflaient, le soleil se cachait sous les épais nuages. Il était un peu comme elle, il profitait du froid pour se parer de gros habits cotonneux. Il profitait du noir pour s’amuser et taper sur la lune, il trompait l’ennui et la routine. Les mains se serraient pour retrouver la chaleur d’antan, comme une joie inexplicable, une alchimie magique de se retrouver.
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Message  Ewaele Mar 24 Nov - 14:20

[Souvenirs.]

Elle avait tout encré sous sa peau. Ses souvenirs et ses larmes. Les marins jetaient l’ancre et leurs tatouages balisaient le port, le phare balançait sa lumière et les poissons se noyaient dans l’amer. Elle avait entassé là, mensonge et vérité, rêves et réalités. Elle avait changé. Enormément. De taciturne et sombre, elle en était arrivée à cracher des soleils. Sa timidité? Fi! Elle en avait fait de l’indifférence voire du mépris. Les autres appelaient sa sensibilité méchanceté ou mesquinerie. Ses joues, dehors, n’étaient peut-être pas humides, mais en dedans ses jeux se brisaient. Mais elle restait une autre. Sa tristesse était sèche, ses yeux étaient taris plus qu’ils n’étaient arides. Chaque jour qui passait, elle tuait le sentimentalisme, de liane écorchée elle était devenue fil d’acier. Pouah! Le magma qui coulait dans ses veines gelait parce qu’il avait chaud, la lave du sol s’estompait. On ne sautait plus de chaises en fauteuils pour éviter la lauze du parterre. Et les lézardes du sol n’étaient plus des trous sans fond, juste des marques du temps. Les rides de la terre.

Les jeux d’enfants n’étaient plus que des souvenirs…. Qu’est-ce qu’elle avait bien pu en faire? Elle avait oublié. Il n’y avait pas de sourire dans les souvenirs mais de la tristesse dans les doigts et des flammes dans les yeux, de la passion d’hier qui empestait le demain. Les souvenirs étaient l’arrêt du futur, un abysse qui appelait l’abîme.

Quand elle rêvait, il y avait des flaques et son visage dedans, elle sautait, l’écrasait mais toujours il renaissait. Elle se demandait comment il respirait. Pourquoi souriait-il? Alors que ses yeux pleuraient et se perdaient? Il était figé, c’était comme un masque mis là pour faire joli. Une mascarade dont on se barbouillait la face? Pour ne pas parler parce que les gens heureux n’intéressaient personne?
Avoir un cœur c’était s’en plaindre, montrer ses larmes c’était risquer qu’on s’y attaque. Voler les larmes d’un humain c’était voler son âme. Elle n’avait ni âme ni larme à donner. Cacher c’était être détesté. C’était s’amuser et rire de tout. Mais qui étions-nous pour juger? Voyez-vous les fêlures de ceux appelés superficiels? Leurs yeux sans éclat et leurs cœurs brisés? Vos jugements étaient de façades, simplistes et puaient la jalousie. Juges partiaux et spartiates d’hier elle vous honnissait tous. Au feu biens pensants et médisants. Ses huit ans? Elle pleurait et se lamentait, la mort d’une feuille blessait ses yeux, l’hémorragie lacrymale était indomptable et les rires étrangers tentaient de fouetter ce fauve sauvage. Elle était attendrie par tous, la méchanceté lui inspirait pitié et leurs larmes lui fendaient le cœur. Elle se prenait pour un nuage dans la vêprée, les battements du ciel et les vagissements brumeux. Les doigts gelés, prêts à tomber, elle regardait les flocons s’écraser, c’était une foule de plumes d’anges pour cacher la tristesse. Aujourd’hui c’était une devanture, elle l’avait compris en devenant pragmatique, la chape blanche masquait la misère et le dépit, elle donnait le froid pour geler les larmes. Elle avait oublié comment s’extasier…. Qu’est -e qu’elle avait pu faire de ce souvenir? Elle avait huit ans et venait de quitter une mère pour qui elle n’avait jamais eu de sentiments, qui lui était inconnue, pour suivre le seul être important dans sa vie et qui souffrait : son père.



[L’aveu]

Non, décidément elle ne pouvait pas dormir. Comment avait-il pu la laisser seule dans un moment pareil? Seule avec sa douleur et une angoisse aussi grosse que son ventre en devenir, en l’espace de quelques mois, source d’émerveillement et de rejet. Avait-elle peur? Sans doute oui. Tout ce qui lui arrivait restait tellement abstrait. Perturbée? Sans aucun doute Elle ne s’était jamais préparée à vivre ce genre de bouleversements. Elle s’était jurée de ne plus généraliser et voilà qu’elle recommençait. Tous les hommes, toutes les femmes, toujours, jamais. Non, ce soir c’était elle qui souffrait, c’était lui qui n’était pas là et c’était toujours elle qui n’était pas préparée à faire face à ce tournant imminent qu’il allait lui falloir emprunter.

A force de vouloir tout contrôler autour d’elle, elle ne savait plus gérer le changement, accepter l’inconnu. Elle en avait même oublié ses propres craintes et aspirations. Mais elle avait beau les refouler dans les tréfonds de son être, cette nuit elles tenaient leur revanche. L’une après l’autre, elles resurgissaient, l’observaient tels des fauves prêts à bondir sur une proie prise au piège. Elle se débattait, tournait dans tous les sens mais il n’y avait pas d’issue. On ne pouvait pas éternellement tricher avec soi-même.

Dans la pénombre glaciale de cette tente austère, ses pas résonnaient encore et encore. Le choc de ses semelles usées sur le sol dur, gelé, sans éclat, semblait rythmer d’un pas égal les secondes qui s’égrenaient lentement. Impatiente de rencontrer enfin Flaiche, de lui parler, lui expliquer et entendre les mots sortir de sa bouche qui confirmerait ce qu’elle pressentait, elle s’était précipitée à sa rencontre. Sous les reflets orangés au-dehors, des milliers de cristaux scintillaient tour à tour. Ils s’étaient arrêtés de marcher pour contempler ce ballet silencieux, tandis qu’une fine pellicule blanche effaçait progressivement les contours du monde. Hypnotisé par ce spectacle irréel, elle oublia un instant, avant de poser sa main sur son ventre et de s’interroger de plus belle. C’était drôle, elle le pressentait, elle le devinait et l’imaginait tel qu’il ne serait probablement pas. Elle voulait un jour le prendre dans ses bras, l’apprendre, le connaître et l’aimer de tout son être. Oui mais il n’était pas encore là. Et vu les circonstances ne serait peut être jamais là… Et Flaiche avait sourit et confirmer ses doutes, ses craintes, il s’était voulu rassurant, optimiste, mais pour une fois il avait l’air si sérieux, si…

Elle dû faire face à une Marie inquiète, déterminé à savoir, connaître, comprendre ce qui en elle se faisait joie et cauchemars à la fois. Elle ne pourrait lui cacher longtemps de tout façon, son amie la connaissait trop pour ne pas voir que la rouquine était tracassée. Comment lui dire, comment parler ouvertement de ce sujet alors qu’un autre plus problématique sans doute prenait forme dans la vie des deux femmes. Comment rester sereine face aux avances d’un homme vassal de la Vicomtesse, médicastre de surcroit qui lui proposait son aide. Tout se mélangeait, tout se confondait, tout n’était que chaos et la rousse n’était pas en état de faire la part des choses. Alors quoi de mieux que de se plonger dans ce qu’elle savait le mieux faire? Les responsabilités et le travail elle n’en manquait pas. Chef d’armée en ces temps plus que troubles, cela suffisait à une seule femme pour faire disparaitre les préoccupations du quotidien et repousser d’un geste de la main ce qui grandissait en elle. Elle aurait sans doute dû faire des choix, poser les choses à plat mais elle en était incapable. Lui était trop loin et il ne savait même pas sans doute tout ce qui l’habitait. L’habitait oui était bien le terme de façon concrète ou pas. Elle aurait pu faire voler sa buse jusqu’à lui, mais elle était toujours sans nouvelle et elle était fatiguée des efforts qu’elle fournissait pour garder ce lien qu’elle chérissait en son sein. Maintenant ils étaient trois à être dans la confidence et pour l’heure c’était amplement suffisant. Trois personnes dont le savoir sur son état serait sans doute nécessaires tout au long de cette chevauchée qu’était la leur depuis de longs jours maintenant.



[L’angoisse.]

Ce furent d'abord des tiédeurs vagues, des vapeurs mourantes qui l’a pénétrèrent avec ce charme si bizarrement plaintif des ciels nébuleux d'automne, des blancheurs phosphoriques des lunes dans leur plein. Puis vinrent des apparitions spectrales, des enfantements de cauchemars, des hantises d'hallucination. Des poses tourmentées, des lèvres cruellement saignantes, des yeux battus par d'ardentes nostalgies, agrandis par des joies surhumaines. Ces évocations d'un autre monde, ces embrasements sauvages, ces tonalités crépusculaires, ces émanations surexcitées disparurent à leur tour et un hallali de couleurs éclata, prestigieux, inouï. Un ruissellement d'étincelles de pourpre, une fanfare de senteurs décuplées et portées à leur densité suprême. Nausées…
Elle ne voulait pas! Arc boutée contre l’intrusion qu’elle n’avait pas voulue, au milieu d’un amas de mouvements auquel elle ne comprenait rien. Les questions affluaient, envahissantes, dérangeantes, impossibles à canaliser. Des bribes entre réel et imaginaire flashaient en rafales son quotidien. Impacts. Un, deux, dix, cent, un milliard. Lancinantes. Tragiques. Absurdes. Elle ne voulait pas. C’était tout juste si elle respirait. Elle croyait bien que ses poumons n’utilisaient qu’un pourcentage très faible de leur capacité totale. Elle ne savait même pas comment on faisait pour vivre quand on n’attrapait qu’une goulée d’oxygène de temps en temps. Impure, rouillée, souillée, cadenassée dans les trois secondes qui suivaient son absorption.



[Rouge.]

Elle avait rêvé de ses doigts trempés de ce rouge visqueux coulé de sa chair.
Un enfant chantait. Non. Elle entendait une chanson enfantine interprétée par la voix d’un enfant, mais elle n’était pas sûre qu’il s’agisse d’un enfant. Une chanson-fleur, délicate et subtile, confiante. Une chanson-sourire. Une chanson-j’arrive.
Jusqu’à.
Rouge. Jusqu’à ce que l’indicible beauté unique et intemporelle se fasse happer par ce rouge visqueux. Le sang de l’effondrement.

Savait-elle la fragilité ?
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Message  Ewaele Mar 24 Nov - 14:21

[Un campement entre Bourges et Bourbon]

Ils étaient arrivés avec l’aube, le temps était gris, humide, triste, jour d’automne parmi tant d’autres. Le soleil ne percerait pas pour venir apporter un peu de douceur. Licorneux, Dames Blanches, Cosse de Genêt, amis, vassaux, volontaires s’étaient activés à monter le camp de base pour la journée, les odeurs de nourriture s’élevaient déjà, certains s’entrainaient, d’autres prenaient le repos après les lieues chevauchées, et eux, inlassablement, se retrouvaient dans la tente de commandement. Regarder les dernières missives reçues et prendre les décisions qui seraient l’avenir de cette armée. Dire qu’elle se sentait plus mal que les autres jours aurait été un euphémisme, elle dut à plusieurs reprises s’excuser pour aller respirer l’air en soulevant un pan de la toile de tente. La rouquine n’avait plus rien ingurgité depuis deux jours, plus rien ne passait, son estomac se vidait automatiquement, elle avait abandonné le fait de se nourrir, la fatigue du chemin, de l’absence et de ce qu’il se passait n’avait sans doute pas aidé son état à s’améliorer, mais elle avait préféré se taire. A part Marie, Flaiche et Eusaias, très peu étaient au courant. Elle s’était décidée la veille à envoyer sa buse jusqu'à son fiancé pour l’informer de son état et réponse fut rapide. A peine arrivés sur les lieux où ils allaient s’installer, à peine les étendards commençaient à flotter que l’oiseau fendit le ciel pour la lui ramener.

Mais quand le destin en décidait autrement quelles armes avions-nous pour nous défendre? Le temps s’était arrêté, elle avait du sortir pour de bon et trouver un point d’eau isolé dans la nature, se mettre à l’écart. Du haut d’une pente boisée, elle découvrit un paysage de champs sans vie qu’animait seulement de ça et là le squelette nu d’un arbre. Pas âme en vue, car, au cœur de cette saison, les terres ne réclamaient aucun travail. Ewa suivit une route qui plongeait dans une vallée, sa monture placide avança prudemment jusqu'à une rivière. Il fallait se rendre à l’évidence. Son corps ne porterait pas la vie, elle était en train de perdre le fruit qu’elle portait en son sein. Lorsque l’enfant attendu meurt au lieu de naître, on ne peut plus appréhender la vie de la même manière. Après l’impuissance et l’effondrement, il y avait eu le vide et le manque de sens. Plus rien n’avait de goût ni de couleur. Il faudrait du temps, beaucoup de temps pour se relever et retrouver confiance. Elle se lava aussi bien qu’elle put, frottant son corps à s’en faire mal comme si elle avait besoin d’effacer, d’enlever cette culpabilité qui était sienne. Il faisait grand jour maintenant, jour brumeux, et le temps n’était guère plus chaud qu’à minuit. Elle frissonnait, se rendit compte qu’elle ne portait que sa cape azur. Qu’était-il arrivé au vieux mantel de son père, elle ne s’en souvenait plus. Ou bien la brume s’épaississait ou bien quelque chose d’étrange affectait ses yeux car elle ne distinguait plus son cheval. Elle voulut se lever pour le rejoindre, mais ses jambes ne lui obéissaient plus. Se recroqueviller sur elle-même et attendre ainsi que le temps passât…

La pluie se mit à tomber, la faisant sortir de sa torpeur, et avec elle le déclin du jour s’annonça. Elle se hissa tant bien que mal sur le dos de son équidé et, lui faisant totalement confiance, le laissa la guider vers ses frères et amis qui devaient se demander où elle était passée. De la fumée s’élevait du campement, tout était calme, le ciel pleurait et cachait ainsi les larmes qui ruisselaient sur son visage. Elle avait mal, des douleurs atroces lui transperçaient le ventre comme si on lui enfonçait une épée dans les entrailles. Elle avait chaud et froid, puis froid et chaud… Elle ne savait même plus comment elle s’était retrouvée là devant cette tente, juste qu’elle était détrempée, pliée en deux et que le souffle court qui était sien ne lui permettait même pas d’appeler à l’aide… Elle resta là un temps, court ou long qui le savait réellement, elle avait perdu tout sens des réalités quand le médicastre la trouva et qu’elle lui tomba dans les bras. La suite fut des enchainements découpés que sa mémoire avait plus ou moins enregistrés.

Allongée, la chaleur, une voix douce qui lui parlait, elle s’accrochait mais n’y croyait plus, elle se sentait partir, tremblait. Elle était mouillée, avait froid. Puis il cria, un nom s’envola, il faisait demander Marie… Son amie arriva et bizarrement cela la réconforta, ils eurent des gestes des paroles mais là encore des choses lui échappaient. Un bain, elle trouva l’eau glacée. Marie lui murmurait des mots, sans doute pour la rassurer, elle avait du mal à faire la part des choses. Ils la firent boire, puis la déposèrent sur une couverture. Pourquoi tout cela? Elle avait expulsé l’être qui grandissait en elle pourtant. Eusaias lui glissa une feuille sèche dans la bouche, cela devait apparemment l’aider, mais à quoi? Des bribes de l’histoire lui revinrent alors…


Nous n'aurons pas le temps ce soir de faire quoi que ce soit il faut juste me mettre sur pied et attendre d'être à Bourbon.

Marie, mes affaires sont dans mon cachet, pouvez vous les faire bouillir.

Toi tu fais ce qu'on te dit Ewaele de la Boesnière. Il faut le faire... c'est ta santé qui est en jeu... Elle lui embrassa le front.

Je sais Marie je pensais que ça pouvait attendre demain, juste faire descendre la fièvre et patienter un jour de plus.

Certainement pas… Il faut faire au plus vite.

Puis tout s’enchaina, elle sentit une lame froide se poser sur son ventre, lui couper les chairs. Elle n’avait donc pas combattu avec l’armée mais elle aurait quand même une cicatrice… Ironie du sort ou de la vie. Elle se mordit la lèvre et serra la main de Marie qui était venue se glisser dans la sienne, sa mâchoire se contracta. Et elle relâcha toute pression, poussa un gémissement en sentant les doigts du médicastre venir fouiller dans ses entrailles. La douleur se faisait si intense, si détestable après tout ce qu’elle avait vécu, son corps voulait le repos, elle ne voulait plus être… Marie lui murmura qu’elle revenait, qu’elle devait avoir dans une malle de quoi la calmer, lâcha sa main et ce fut le vide et le froid qui l’envahit alors qu’Eusaias continuait la sale besogne au creux de son ventre. Marie revint et lui mit quelque chose sous le nez, ‘respire’ lui avait-elle conseillé, ‘ça va t’aider, tu vas dormir’. Un brouillard vint devant ses yeux, sa tête se fit lourde, ses yeux se fermèrent et elle plongea dans un sommeil profond. Là, réfugiée dans un ailleurs, elle revoyait les mots qu’elle avait couché sur le vélin pour Nico, et sa réponse à la sienne, même endormie, elle souffrait de ce qui ne serait pas, plus, de ce qu’ils avaient cru. Les missives résonnaient en boucle dans sa tête…


Nico,

[…]
Si je prends la plume aujourd’hui, sans avoir obtenue de réponse à mon dernier parchemin c’est que j’ai quelque chose à t’annoncer. Je le sais déjà depuis quelques jours mais je ne savais pas comment t’en informer. Et même là devant mon vélin, plume à la main, j’ai du mal à trouver les mots pour le dire. La période n’est pas des plus propices pour cette chose qui nous arrive, mais c’est ainsi, je ne l’ai pas choisi et toi pas plus, mais nos retrouvailles à Paris ont porté leur fruit et je porte dans mon ventre ton enfant.

Je ne sais pas comment tu prendras tout cela, je ne sais même pas comment je me sens et ce que je ressens au plus profond de moi. Je dois bien avouer que ce début de grossesse est un peu particulière apparemment, je n’y connais pas grand-chose, mais j’ai deux médicastres qui sont a mes côtés pour prendre soin de moi. Flaiche qui fut le premier au courant et Eusaias vassal de Marie-Alice. Cette dernière, est très présente aussi. A part eux personne ne le sait et pour cause, comme je te le disais tout ne se passe pas au mieux. Ils me surveillent du mieux qu’ils peuvent et me font des tisanes de plantes pour que je puisse dormir correctement, pour les sautes d’humeurs mais surtout pour essayer d’arrêter les saignements que je subis depuis quelques jours.

Je suis fatiguée et lasse, j’aurais aimé t’avoir à côté de moi en cet instant pour te l’annoncer de vive voix, prendre ta main et la poser sur mon ventre, voir je l’espère un sourire se dessiner sur tes lèvres, mais je n’ai rien de tout ça et ce sont les doutes et l’angoisse qui prennent le dessus, je me sens seule loin de toi. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de moi, de cet être que je porte, je ne sais pas de quoi sera fait demain. […]

Mon aimée,

Ma plume tremble entre mes doigts et c'est à peine si je peux tracer ces lignes, tellement ma joie est grande devant ce que tu m'annonces. Aucune nouvelle ne pouvait me ravir davantage au milieu du marasme dans lequel nous nous trouvons et tu n'avais aucune raison de douter de ma réaction. Te savoir enceinte me remplit d'un tel sentiment de plénitude et de fierté que j'en éclaterais. J'ai hâte de te voir et de partager cette grossesse avec toi car il est hors de question que quoique ce soit nous éloigne.

J'enrage à l'idée de cette guerre qui nous écarte l'un de l'autre et, si je sais que nos amis veillent sur toi avec tout leur amour, je ne peux m'empêcher de frémir aux dangers que tu cours à être ainsi sur les routes du royaume dans ton état.[…]

Mon coeur déborde déjà de tendresse à l'idée d'un petit moi, d'un petit toi ou, mieux, d'un petit nous deux, gambadant dans les salles de Turenne ou de Laroche-Aymon. Tu ne pouvais faire de moi un homme plus heureux![…]

Encore une fois, je t'implore de prendre soin de toi et du petit être que tu portes, gage de notre amour. Je me ronge les sangs d'inquiétude pour vous 2 et me repose plus que jamais sur nos frères et nos amis pour vous protéger.

[…]



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